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Vahina Giocante livre un témoignage puissant sur l'inceste et la reconstruction dans «À corps ouvert»

Vahina Giocante «dissèque» sa terrible expérience de l'inceste et celle de sa reconstruction, pour à la fois alerter et livrer un message d’espoir. [Capture CANAL+/YouTube @Cluqt]

Vahina Giocante livre dans un ouvrage autobiographique un témoignage puissant sur l'inceste que lui a fait subir son père de ses 5 à 12 ans et la reconstruction, lente et difficile, mais possible des victimes, à la condition sine qua non qu'elles soient «écoutées et crues».

«Quand j’ai parlé on m’a crue». L’importance de la parole, dans les affaires de violences sexuelles et surtout la qualité de l’écoute de celui qui recueille cette information est capitale, vitale même quand il s’agit d’enfants victimes de viols et d'inceste. Le cas, terrible, de Vahina Giocante, violée par son père de ses 5 à 12 ans, en est un parfait exemple.

L’actrice, qui vient de publier un livre - «A corps ouvert» (Robert Laffont) - dans lequel elle évoque sa «reconstruction» après l’horreur qu’elle a subie, insiste sur le fait que sa «guérison» n’a été possible que parce qu’elle a été crue dès l’instant où elle a parlé de ces viols, mais aussi car la justice s'est prononcée. L'actrice compte ainsi parmi les (seulement) «3% des affaires qui aboutissent à une condamnation», comme elle l’a également expliqué ce mercredi sur le plateau de l’émission Clique, sur CANAL+.

«Une vie après la survie»

Cette possibilité d’«une vie après la survie» est corrélée intrinsèquement à l’écoute bienveillante dont elle a bénéficié et au travail de la justice. «Ma mère m’a crue tout de suite (…) Le juge m’a crue». La reconstruction des victimes passe par le collectif, insiste-t-elle, «nous entendre, nous écouter, nous croire. C’est aussi demander ‘qu’est-ce que je peux faire pour toi. Comment est-ce que je peux t’aider, t’accompagner… Ensuite il y a des thérapies qui sont efficaces (...) dont l’hypnose pour ceux qui ont de l’amnésie traumatique… Je les ai toutes essayées… (Au long des) vingt-cinq ans de démarches thérapeutiques, j'ai essayé littéralement toutes les techniques possibles et imaginables... Je me suis autoproclamée 'cobaye de la guérison traumatique de l’inceste', dit-elle. Et je peux dire qu’il y a des choses qui marchent, des choses qui marchent moins bien. Quand on m’envoie un message en me disant 'ma psy me dit que je ne peux pas guérir’, je trouve ça incroyable. Une psy qui par ailleurs n’a pas vécu l’inceste», précise-t-elle.

«Je me sens à même d’en parler parce que c’est un peu comme un vétéran de guerre qui parle aux autres vétérans de guerre, qui peut les comprendre ou les anciens addicts qui peuvent aider les addicts à s’en sortir et à passer le sevrage. Il y a effectivement des choses qui marchent mieux que d’autres»… En tous les cas, elle l’assure : «il y a une vie après la survie».

Un long processus

La résilience de l'actrice, cette force qui inspire le respect et permet de surpasser «quelque chose de terrible, qui peut vous abattre, qui peut vous mettre à terre, (cette) faculté à se relever toujours», comme elle la décrit, est à l’œuvre chez elle depuis de nombreuses années. Des années qui ont été longtemps très sombres. «Le livre est plein de chutes... J’ai pensé au suicide…», confie-t-elle ainsi.

Dans ce livre «A corps ouvert» je me livre complètement, je dissèque totalement l’inceste… Je n’arrive pas tout de suite en disant ça y est je suis guérie. Cela a été un long cheminement. Mais je me suis toujours dit ‘relève-toi’ et aussi ‘demande de l’aide’. Il faut qu’il y ait des gens pour vous tendre la main. C’est pour cela que le tabou doit s’abattre. On doit avoir des gens qui nous croient et qui nous tendent la main», insiste-t-elle encore quant à l'importance d'écouter les victimes.

Des mots qui résonnent avec la nécessité impérieuse de voir une ou des instances – comme la Ciivise si précieuse quand se tenait à sa tête le Juge Durand – se saisir de ce sujet délicat qui ne doit plus être passé sous silence. Il en va du sort de milliers d’enfants, frappés par ce fléau et ce dans tous les milieux sociaux, l'inceste «ne faisant pas de discrimination», comme le rappelle l'actrice. Quand les petites victimes, ou les anciennes petites victimes trouvent le courage de se confier, leur parole devrait ainsi toujours être accueillie avec la bienveillance qu’elle mérite.

La culpabilité comme un virus

Pour qu'un après plus heureux soit possible, il faut également que la société mette tout en œuvre pour agir sur la prévention. Un enfant victime d'inceste est enfermé sous le poids du silence et n'est pas en mesure de savoir reconnaître la gravité de ce qu'il se passe. «Comment est-ce qu’on identifie la déflagration, la destruction intérieure de son être, comment est-ce qu’on identifie que quelqu’un vient et vous dépossède de vous, et qui en plus est la personne qui est la plus proche de soi, ce modèle, la personne en qui on a une absolue confiance ?», questionne Vahina Giocante.

Les parents de Vahina Giocante avaient divorcé quand elle avait un an. La petite fille a vécu ensuite chez sa mère mais passait ses vacances chez son père, des vacances durant lesquelles il a abusé d’elle, de ses 5 à ses 12 ans.

Le premier déclic pour Vahina Giocante est survenu quand son père a parlé de «prison». «Je me suis dit dans ma tête d’enfant, s’il y a prison ça veut dire que c’est grave, ça veut que je suis aussi une criminelle, que je risque quelque chose et donc tout de suite il y a eu cette notion de danger, de risque et donc une culpabilité qui s’installe. Je ne suis coupable de rien mais au moment où ça se passe je porte SA culpabilité. C’est comme s’il me la transmettait comme un virus». Le déclic déterminant, explique-t-elle, a été quand son père a commencé à s’en prendre à sa sœur. «Quand ça a touché ma sœur, alors j’ai vraiment pris conscience, encore plus, de la destruction.»

Elle raconte avoir un jour appelé son père pour lui dire qu’elle allait porter plainte contre lui et l'avoir dit à sa mère, qui (une chance dans son malheur) l'a crue immédiatement. «C’est bizarre de dire ça comme ça mais j’ai eu beaucoup de chance dans mon épreuve. Je suis tombée sur des gens qui ont été très bienveillants et qui m’ont vraiment bien accompagnée».

L’enquête durera deux ans. Au Palais de justice, elle voit «la haine dans le regard de son père comme un animal pris au piège prêt à dévorer sa propre patte pour s’en sortir. Cette patte c’est moi». «Je me rends compte à ce moment-là que je n’ai plus de père (…) c’est un duel et il n'y en a qu’un qui va s’en sortir. Je suis très triste. Je vais au front mais je ne vais pas au combat. Je ne lui veux pas de mal, je veux juste qu’il arrête de faire du mal. C’est extrêmement violent de se dire à ce moment-là ‘je n’ai plus de père’». Ce dernier sera condamné à trois ans de prison dont un avec sursis et au retrait de ses droits civiques et familiaux.

Une partie de la famille de l‘actrice lui tourne alors le dos. «Parce que c’est violent d’accepter d’avoir le sang d’un pédocriminel dans les veines», analyse Vahina Giocante, qui explique que «le déni est le chemin le plus facile quand on n'arrive pas à accepter cette réalité inacceptable». 

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