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La recherche sur l'embryon en débat à l'Assemblée nationale

Un chercheur du CNRS dans son laboratoire le 9 février 2012 à Marseille-Luminy [Anne-Christine Poujoulat / AFP/Archives] Un chercheur du CNRS dans son laboratoire le 9 février 2012 à Marseille-Luminy [Anne-Christine Poujoulat / AFP/Archives]

L'Assemblée va se pencher jeudi sur une proposition de loi des radicaux de gauche qui autorise, de manière encadrée, la recherche sur les embryons et les cellules souches, deux ans après avoir décidé à l'issue de débats enflammés d'en rester à une interdiction avec dérogations.

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Le texte, qui a l'appui du gouvernement, a été déjà adopté au Sénat dans une certaine discrétion début décembre, ce qui fait dire à ses détracteurs, des députés UMP, que tout se passe "en catimini".

"Il est grand temps de franchir un pas supplémentaire et de passer à un régime d'autorisation", fait valoir le député PS Jean-Louis Touraine. "Ce texte est très attendu des chercheurs, du public comme du privé", estime de son côté Catherine Lemorton, présidente PS de la commission des Affaires sociales, en rappelant en outre qu'il s'agissait d'un engagement de campagne de François Hollande.

Depuis 2004, la recherche sur l'embryon et les cellules souches est interdite sauf dérogations. En 2011, à l'occasion de la révision des lois bioéthique, le Parlement a reconduit ce régime d'interdiction avec dérogations, après d'âpres débats.

A ceux qui mettent en avant "une loi idéologique" qui ne change rien, la députée radicale de gauche (RRDP) Dominique Orliac, rapporteure du texte, répond en faisant valoir l'"insécurité juridique" actuelle.

Elle a fait état en commission de "contentieux qui retardent le lancement de certains projets scientifiques". Elle a avancé le chiffre de 11 procédures "engagées par la fondation Jérôme Lejeune", association qui soutient la recherche sur la trisomie et s'oppose à l'avortement, contre des décisions d'autorisation de recherche sur l'embryon ou sur les cellules souches embryonnaires.

La proposition de loi autorise la recherche à quatre conditions: le projet doit être "scientifiquement pertinent", avoir "une finalité médicale", "ne pouvoir être conduit qu'avec des embryons humains" et enfin "respecter des garanties éthiques". L'Agence de biomédecine continuera d'opérer le contrôle.

La question, comme souvent les sujets de bioéthique, divise les rangs, notamment de l'opposition. Jean-Sébastien Vialatte (UMP) qualifie lui le texte d'"indéniable avancée" et le votera, et son collègue de Paris, Bernard Debré, dit "s'interroger" pour savoir ce qu'il va vraiment changer.

Jean Leonetti le 30 juin 2011 à Paris [Alexander Klein / AFP/Archives]
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Jean Leonetti le 30 juin 2011 à Paris
 

Jean Leonetti (UMP), ancien rapporteur de la loi bioéthique, a mis en garde: "Attention à ne pas céder au moins disant éthique au nom du mieux disant scientifique et de la performance!"

Jean-Christophe Lagarde, porte-parole du groupe UDI (Union des démocrates et indépendants), "en a appelé au gouvernement" pour qu'il soit rejeté.

Certains députés UMP, déjà très actifs en 2011 lors de la révision de la loi bioéthique, protestent vivement. Ils défendront en séance près de "300 amendements", a confié Philippe Gosselin, pour qui ce texte s'attaque "à des fondements de notre société".

Le président des députés radicaux de gauche, Roger-Gérard Schwartzenberg, s'est d'ailleurs étonné auprès de l'AFP de cette "pluie d'amendements" déposés par l'opposition.

Ce qui a d'ailleurs nourri mardi moult interrogations sur le fait que le débat puisse aller à son terme jeudi, unique journée dédiée à ce texte. Le vote solennel est prévu mardi 2 avril.

Invité par les députés UMP les plus réfractaires à ce texte, le neurobiologiste Alain Privat estime que la future autorisation "pouvait constituer une source de profit considérable pour l'industrie pharmaceutique", craignant même pour l'avenir le clonage reproductif. A l'inverse, dans une tribune au Monde, Jean-Philippe Wolf, chef du service de biologie de la reproduction de l'hôpital Cochin, et professeur à l'université Paris-Descartes, disait il y a quelques jours "oui à une nouvelle loi sur l'embryon". "Qu'on nous comprenne bien, les biologistes n'ont jamais demandé un chèque en blanc pour faire n'importe quoi, mais au contraire la simple possibilité de pouvoir expérimenter, sous le contrôle des agences faites pour cela, des projets sélectionnés et financés par des instituts scientifiques".

De son côté, le cardinal-archevêque de Paris André Vingt-Trois a jugé que ce texte était "une erreur grave: cela veut dire que l'on considère que l'embryon n'est rien".

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