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Il y a vingt ans, Pierre Bérégovoy mettait fin à ses jours

Pierre Bérégovoy le 11 avril 1992 à Paris [Mario Goldman / AFP/Archives] Pierre Bérégovoy le 11 avril 1992 à Paris [Mario Goldman / AFP/Archives]

Il y a vingt ans, le 1er mai 1993, le long d'un canal de la Nièvre, Pierre Bérégovoy, qui venait un mois plus tôt de quitter Matignon, se tirait une balle dans la tête sans un mot d'explication, après la déroute retentissante des socialistes aux législatives.

Ce geste désespéré, d'une grande violence, bouleversa le pays. Pourtant, depuis des semaines, le dernier Premier ministre de François Mitterrand ne cachait pas sa détresse devant son impuissance à défendre sa probité. Le 1er février 1993, le Canard enchaîné avait révélé qu'il avait bénéficié en 1986, alors qu'il était député de la Nièvre, d'un prêt d'un million de francs (environ 150.000 euros) sans intérêt consenti par l'industriel Roger-Patrice Pelat, grand ami du président François Mitterrand.

Ce prêt, qui avait servi à l'acquisition de son appartement parisien, avait été dûment enregistré chez un notaire. Mais très vite, Pierre Bérégovoy dut faire face au soupçon quant à son intégrité, lui, qui le 8 avril 1992, lors de son discours de politique générale à l'Assemblée nationale, avait fait de la lutte contre la corruption son cheval de bataille.

Durant cette campagne législative, en pleine période de ralentissement économique - l'année 1993 se terminera sur une récession - l'identité du prêteur mis en cause dans le scandale Péchiney et l'absence d'intérêts pour rembourser le prêt ont déchaîné les attaques. Pas un jour sans que Pierre Bérégovoy n'ait à s'expliquer. Pas un jour sans que des manifestants arborent des pancartes pour lui réclamer des prêts à zéro%.

Le dernier Premier ministre socialiste de François Mitterrand assura avoir remboursé la moitié de sa dette en meubles et livres anciens et le solde fin 1992. Mais plusieurs médias mirent en doute sa capacité à rembourser 500.000 francs (75.000 euros) en objets et livres anciens, en raison de ses origines modestes.

François Mitterrand lors de son discours aux obsèques de Pierre Bérégovoy le 4 mai 1993 à Nevers [Michel Gangne / AFP]
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François Mitterrand lors de son discours aux obsèques de Pierre Bérégovoy le 4 mai 1993 à Nevers
 

"Toutes les explications du monde ne justifieront pas qu'on ait pu livrer aux chiens l'honneur d'un homme et finalement sa vie", lança accusateur, François Mitterrand, la voix nouée, devant le cercueil de Pierre Bérégovoy, le 4 mai 1993 à Nevers, dont l'ancien Premier ministre était le député-maire.

Si le chef de l'Etat n'a jamais vraiment explicité qui étaient "les chiens", ses proches ont souvent mis en cause la presse.

La campagne des législatives fut un long calvaire pour Pierre Bérégovoy, avec des meetings houleux, des manifestations à chaque déplacement et personne ou presque à son côté pour mener au niveau national la bataille électorale.

Il ne comprenait pas que l'on puisse mettre en doute son honnêteté, puisque le prêt avait été enregistré devant notaire. "Qu'est-ce qu'il me veulent?", demandait-il sans cesse à ses proches.

La défaite est très lourde pour les socialistes en mars 1993, et Pierre Bérégovoy a le sentiment que sa famille politique le considère comme le responsable de cet échec. A cette époque, ses amis s'inquiètent, le trouvent déprimé. Mais, les socialistes, dans leur ensemble, sont sonnés, et personne ne prête attention à l'immense mal-être de l'ex-Premier ministre. A l'Elysée, François Mitterrand, lui, vit sa deuxième cohabitation.

Gilberte, la veuve de Pierre Bérégovoy, décédée en 2001, avait la conviction que son mari avait été victime d'un "complot". Des essais et des documentaires ont repris cette thèse, mais sans parvenir à l'étayer.

Né en 1925, l'ancien cheminot, autodidacte, et militant socialiste fervent, a gravi un à un les échelons du pouvoir. Secrétaire général de l'Elysée, en 1981, ministre des Affaires sociales, ministre de l'Economie, puis Matignon. Une consécration pour "le petit chose" qu'il n'était pas mais que ses compagnons socialistes se plaisaient à dépeindre ainsi, mais une consécration au goût amer.

Policiers et enquêteurs le 1er mai 1993  sur les bords du canal de La Jonction sur la commune de Sermoise  où Pierre Bérégovoy s'est suicidé [Pascal Chareyron / AFP/Archives]
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Policiers et enquêteurs le 1er mai 1993 sur les bords du canal de La Jonction sur la commune de Sermoise où Pierre Bérégovoy s'est suicidé
 

"Je savais que lorsque Mitterrand me nommerait Premier ministre, ce serait parce que c'est foutu", avait-il d'ailleurs confié à l'AFP peu de temps après sa nomination.

Pierre Bérégovoy ne faisait pas partie du premier cercle de François Mitterrand, ni même vraiment d'aucun cercle. Il était toutefois proche de Laurent Fabius, et l'actuel ministre des Affaires étrangères est un des rares à s'être rendu régulièrement sur sa tombe.

Quelques jours avant le second tour de la présidentielle et sa victoire, François Hollande avait choisi de faire le déplacement à Nevers.

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