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Pokémon : dans les coulisses du jeu de cartes toujours star des cours de récré

Les cartes Pokémon sont commercialisées depuis 24 ans. [© The Pokémon Company]

La « collectionnite» est sans nul doute un élément caractéristique et fondateur du succès de la franchise Pokémon.

Et si le phénomène invitait à l'origine les gamers à «attraper» tous les petits monstres qui peuplent ses jeux vidéo, celui-ci s'est aussi étendu par le biais de son célèbre jeu de cartes stratégique qui fait fureur dans les cours de récré depuis 24 ans. Au-delà de l’univers vidéoludique, revenir à la tradition des jeux physiques a été décidé dès la création de la célèbre franchise en 1996.

La société Creatures a vendu entre 25 et 30 milliards de cartes dans le monde. Un chiffre astronomique pour ces petits cartons de 8,8 cm de haut. Dans leurs locaux modernes avec une vue imprenable sur Tokyo, une quarantaine d’employés s’affairent à imaginer de nouvelles collections autour de ce jeu de carte à collectionner (JCC).

Un long travail en amont des jeux

Un travail mené en étroite collaboration avec le studio Game Freak, créateur des célèbres jeux vidéo. « Lorsque nous sommes au début d'une nouvelle série du JCC tactique, telle que Epée and Bouclier, nos premières conversations s'organisent avec Game Freak pour découvrir le décor, le scénario, les fonctionnalités de jeu, le concept et, bien sûr ce que les joueurs Pokémon rencontreront. Nous déterminons ensuite la meilleure façon de mettre en œuvre ces thèmes, mécanismes et personnages dans le JCC. De cette façon, nous en apprenons beaucoup sur les processus de pensée derrière les nouveaux personnages, mondes et mécanismes Pokémon, et nous collectons des infos que nous ne pourrions pas tirer des documents de conception seuls», explique Atsushi Nagashima, directeur en charge du JCC chez Creatures (photo ci-dessous).

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© Nicolas Cailleaud/CNEWS

Chaque carte est ensuite créée en suivant deux facteurs : une dimension tactique, puisqu’il s’agit d’un jeu de stratégie, ainsi qu’une dimension graphique, avec un design différent. A l’instar des célèbres cartes Magic The Gathering, lancées en 1993 aux Etats-Unis par Wizards of The Coast, le JCC Pokémon fait intervenir différents artistes pour mettre en scène chaque petits monstres. Chacun passe en moyenne six à sept jours pour en créer le dessin ou la photo apposés à la carte.

«Lorsqu’ils imaginent une carte, les concepteurs de chez Creatures ont en tête un certain type d’illustration qui l’accompagnera. Ils sélectionnent ensuite l’illustrateur dont l’expérience et la sensibilité correspondra le mieux à ce qu’ils recherchent. Nous recevons ensuite des directives, avec le nom du Pokémon, une idée de ce qu’il doit faire, etc. Nous réalisons plusieurs projets que nous soumettons. Si tout est très encadré, nous nous permettons aussi de suggérer des propositions qui sont totalement différentes de l’idée de départ. Parfois, l’idée s’avère meilleure et est retenue », confie Mitsuhiro Arita (photo ci-dessous).

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© The Pokémon Company

Cet illustrateur talentueux fut le premier à dessiner le célèbre Pikachu pour les débuts du jeu de carte en 1996. Depuis, il a couché sur le papier les visages de ces monstres de poches sur plus de 514 cartes. Pour se renouveler, cet artiste freelance avoue chercher l’inspiration là on ne l’attend pas.

Ainsi, certaines cartes font référence à certaines pochettes d’albums, comme le célèbre Nevermind de Nirvana ou encore à des affiches de films (Daredevil). Et, comme les pokémons sont souvent cachés dans la nature, c’est aussi en croquant la campagne japonaise et ses temples séculaires que l’homme puise son envie de toucher de nouvelles générations de joueurs.

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© Nicolas Cailleaud/CNEWS

Outre des illustrations classiques, d’autres cartes sont plus folles, à l’image de celle d’Imakuni. Une carte mettant en scène un personnage amusant tiré des premiers jeux Pokémon. «Il y a des cartes étranges, comme celle-ci en effet, s’amuse Atsushi Nagashima. Nous les créons, car beaucoup de gens peuvent être intéressés par les cartes Pokémon et être curieux de les voir de près. Il y a même des stars de la TV japonaise qui ont dessiné elles-mêmes des cartes. C’est à la fois intéressant et drôle de faire des choses comme cela. Il s’agit là d’un moyen de proposer des cartes collectors que les fans peuvent s’échanger ou tout simplement d’apprécier Pokémon sous un angle différent».

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© The Pokémon Company

Parallèlement à ce travail d’illustration, le studio Creatures doit faire face au défi le plus important pour un JCC : s’assurer que ce jeu de stratégie soit équilibré et amusant à jouer. Un point très complexe qui mobilise le gros des troupes pour cette société. Ainsi, lors de la création d’une carte, celle-ci incorpore différentes informations qui indiquent ce que le Pokémon en jeu peut réaliser. (Point de vie, force, évolutions, pouvoirs…). Avant toute commercialisation, Creatures éprouve chacune de ces cartes.

Des cartes abandonnées

Certaines se révèlent parfois être de « fausses bonnes idées », comme le révèle Atsushi Nagashima : « Par exemple nous avions pensé, il y a quelques années, à créer un Pokémon géant qui ne se compléterait qu’en combinant six cartes posées ensemble sur la table de jeu. Chacune représentant une partie du corps. Toutefois nous avons abandonné cette idée, car un joueur qui n’avait qu’une partie du corps pouvait ne pas en comprendre le principe. Nous avions également pensé à une carte qui indiquait que pour réduire les points de vie de son adversaire, il fallait le pousser physiquement avec ses mains. L’idée était amusante au départ, mais nous ne l'avons finalement pas concrétisée. »

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© The Pokémon Company

Si la nouvelle carte franchit les étapes précédentes, elles devra toutefois passer sous les fourches caudines d’un service très particulier chez Creatures : le bêta-testing. Dans une pièce vitrée, dix-neuf joueurs se relaient. Chacun va enchaîner les duels durant huit heures par jour, pour expérimenter toutes les façons de jouer avec cette nouvelle carte. Celle-ci est contrôlée avec différentes combinaisons, afin de s’assurer qu’elle reste équilibrée. « Une carte nécessite environ une semaine de test afin de s’assurer de différentes combinaisons possibles», explique Satoru Inoue, responsable du contrôle qualité chez Creatures. Dans leurs archives, les joueurs-testeurs ont plusieurs milliers de cartes qui leur permettent de créer différentes parties.

« Si une carte est trop forte, il peut y avoir deux raisons : soit les créateurs de la carte l’ont voulu ainsi et il faut s’assurer qu’elle fonctionne bien, soit ce n’était pas voulu et c’est en créant des combos et combinaisons que l’on s’aperçoit que celle-ci prend le pas sur les autres jeux. Notre travail consiste à faire remonter cette information aux créateurs afin de corriger les choses», souligne Satoru Inoue. Certaines cartes ne voient donc jamais le jour. Et de poursuivre : «Parfois, les équipes qui gèrent les dessins sur les cartes nous consultent également pour connaître notre avis sur le rendu de la carte, mais il est rare que nous ayons notre mot à dire sur ce point».

Depuis Pokémon Soleil et Lune, le JCC a introduit des cartes GX qui séduisent les férus de ce jeu. Mais tout récemment Creatures développe le concept pour aller encore plus loin. «En ce moment, nous développons la série Epée et Bouclier. Les cartes Pokémon V, qui ont été introduites dernièrement, sont puissantes en elles-mêmes, mais lorsqu'elles sont évoluées vers leur forme VMAX, leurs statistiques et PV augmentent considérablement. VMAX nous permet d'incorporer la mécanique Dynamax des jeux vidéo Epée et Bouclier, mais nous voulons également que les gens expérimentent l'attrait unique offert par les cartes, et les cartes V sont l'une des façons dont nous avons cultivé cet intérêt», commente Atsushi Nagashima.

Une nostalgie toujours bien vivante

Et les amoureux de la première génération de Pokémon sont également rarement oubliés. Comme en atteste la collection sortie en 2016. «Pour célébrer le 20e anniversaire de Pokémon, nous avions lancé l'extension XY-Evolutions, qui a revisité les cartes à collectionner Pokémon originales. Essentiellement, l'extension avait l'aspect et la convivialité des cartes classiques du tout premier ensemble de base du JCC Pokémon, avec les statistiques et la logique de jeu Pokémon mises à jour pour être viables dans le jeu compétitif moderne. L'ensemble combinait des cartes de la vieille école et une nouvelle génération de mécanismes tactiques, offrant une touche nostalgique aux cartes puissantes. En ce qui concerne tout plan à venir pour rééditer les ensembles précédents ou les cartes préférées des fans, malheureusement, je ne peux rien partager avec vous pour le moment», explique Atsushi Nagashima.

Importé dans 74 pays et traduit dans 11 langues

Une recette qui fonctionne maintenant depuis plus de 22 ans, avec un jeu de carte à collectionner disponible dans 74 pays et traduit en 11 langues. Face à l’explosion du numérique et à l’incroyable succès du jeu mobile Pokémon GO, Creatures reste serein en «n’envisageant pas pour l’heure d’intégrer de la réalité augmentée ou des technologies sans contact, comme le RFID», explique-t-on. Le JCC Pokémon mise sur le côté traditionnel des jeux de cartes, avec des parties qui se jouent en face à face.

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