En direct
A suivre

Djaïli Amadou Amal, lauréate du Goncourt des lycéens : «ce prix me donne l'espoir d'un avenir meilleur pour les femmes»

Djaïli Amadou Amal est la lauréate du Prix Goncourt des lycéens 2020 Djaïli Amadou Amal est la lauréate du Prix Goncourt des lycéens 2020 avec «Les impatientes». [© DR]

La romancière camerounaise Djaïli Amadou Amal vient de recevoir le Prix Goncourt des lycéens 2020 pour son troisième roman, «Les impatientes» (éd. Emmanuelle Colas). Rencontre avec une écrivaine engagée.

Que représente ce prix à vos yeux ?

Il représente l’espoir pour l’avenir parce que ce sont des jeunes qui seront les femmes et les hommes de demain. Si à leur jeune âge, ils sont sensibles aux violences faites aux femmes, qu’ils se soient appropriés le texte et qu’ils aient aimé cela donne de l’espoir pour l'avenir des femmes. De recevoir ce prix des mains de lycéens ne peut m’émouvoir que davantage.

Que retenez-vous de votre rencontre avec les lycéens ?

Ils ont posé des questions très intéressantes et m’ont marquée par leur intérêt à entrer complètement dans le roman, dans l’univers que je raconte dans ce livre. Je suis très émue par le fait que ces jeunes soient sensibles à des choses aussi graves que la condition des femmes dans le Sahel.

Dans vos romans, vous vous inspirez de votre expérience en tant que jeune femme forcée à se marier.

J’ai vécu en effet cette expérience et je ne le cache pas. Je m’inspire de la réalité, de mon histoire. Le mariage forcé chez nous est finalement assez banal et c’est pour cela qu'il est important d’en parler. Ce qui m'a poussé à écrire est le fait que je ne voulais pas que mes filles subissent la même chose. Pour ce roman plus spécialement, je souhaitais aborder plusieurs formes de violences faites aux femmes, j'ai donc donné la parole à trois d’entre elles, sans apporter de jugement, en laissant le lecteur la possibilité de se faire sa propre opinion.

La patience est la seule chose que l'on attend des femmes chez nous

Que signifie ce titre «Les impatientes» ?

La patience est la seule chose que l'on attend des femmes chez nous et ce, à chaque occasion, à chaque épreuve de leurs vies. On leur demande cela sans cesse, comme une litanie. A un moment, les héroïnes de mon roman ont envie de crier tout haut ce qu’elles pensent tout bas et refusent tout simplement de se soumettre à ce que la société attend d’elles.

Avant d'être couronnée par ce prix en France, vous étiez déjà reconnue pour votre œuvre dans plusieurs pays africains. Libérer certains tabous a-t-il néanmoins été difficile à vos débuts ?

J’ai subi des menaces il y a dix ans quand j’ai commencé à être publiée. Des personnes se sont montrées plus que susceptibles, le tabou était là. D’autres m’ont même fait comprendre que ce que j’écrivais s’érigeait contre l’Islam. Mais au bout d'une décennie de travail, aujourd’hui tout va pour le mieux.

Acceptez-vous l’étiquette d’écrivaine engagée ?

Je la prends avec grand plaisir ! Je pratique une littérature engagée. Je me suis engagée à décrire la condition des femmes et à défendre leur cause. D’ailleurs, j’ai créé une association après la publication de mon premier roman qui s’appelle «Femmes du Sahel». Grâce à cette association, entre 300 et 400 filles sont scolarisées aujourd’hui. Par ailleurs, nous les sensibilisons aux mariages précoces et forcés, aux violences et à l’importance de continuer ses études, d’avoir un diplôme. L’autonomisation des femmes, la création, la formation, l’accompagnement sur des projets personnels font aussi partie de nos missions.

Je me suis donc engagée dans la littérature mais aussi dans la société civile pour la protection et le droit des femmes. La littérature était le support dont j’avais d’abord besoin pour faire parler de ce sujet-là.

Choisir la forme du roman pour parler de ces sujets vous est-elle venue naturellement ?

J’adore la littérature : la lire et l’écrire. Je ne me sens pas capable d’écrire d’autres types d’œuvres et n’ai jamais réfléchi à une autre forme d’écriture. J’essaye maintenant d’évoluer dans mon style.

Les impatientes, de Djaïli Amadou Amal, éd. Emmanuelle Colas, 17 €.

Retrouvez toute l'actualité Livre ICI

À suivre aussi

Ailleurs sur le web

Dernières actualités