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Pourquoi aimons-nous autant les comédies musicales ?

La comédie musicale est l'une des formes d'art préférée dans le monde. Et qui n'a pas fini de s'étendre, notamment avec le remake de West Side Story par le réalisateur Steven Spielberg. [Jorge Guerrero / AFP]

De West Side Story à Wicked en passant par Hair et Les Parapluies de Cherbourg, la comédie musicale est rapidement devenue un genre à part entière.

Admirée par le peuple, moquée par certains intellectuels de salon, ses thèmes sont souvent les mêmes – la passion, l’affrontement, l’amour, parfois la mort -, mais traités, contrairement au cinéma ou à la littérature, avec une certaine légèreté. Car c’est cela qui rend les comédies musicales aussi puissantes aux yeux et aux oreilles des spectateurs : imaginer un langage aérien, doux, simplificateur pour témoigner de la gravité de ce qui nous entoure.

La comédie musicale s’appuie sur quatre fonctions : le chant, la danse, les dialogues, la mise en scène. Et si le public l’aime autant, c’est parce qu’elle fait appel en nous à des sentiments simples, bénins. Or, selon le neuropsychiatre Hervé Platel, il existe une explication physiologique à notre engouement pour cette forme d’art. « Je me souviens que lorsque nous commencions à parler de nos travaux d’imagerie cérébrale de la perception musicale à des musiciens et compositeurs, au milieu des années 1990, une très grande méfiance ou circonspection était alors exprimée par les artistes, qui ne voyaient pas en quoi l’analyse du fonctionnement cérébral allait leur donner de quelconques clés de compréhension sur leur art et sa pratique » explique-t-il.

Car ce sont dans les années 1990 que les scientifiques se sont penchés pour la première fois sur l’impact de l’art – surtout la musique et la rythmique – sur notre cerveau. Leur découverte est stupéfiante : les patterns musicaux travaillent et stimulent plusieurs zones de notre cerveau, comme l’aire de Broca (production des mots) ou l’aire de Wernicke (compréhension des mots) par exemple. Ces aires sont constamment sollicitées lors de l’écoute d’une musique, voilà pourquoi il peut nous arriver d’entonner un air sans se souvenir des paroles, et vice-versa. Il existe également chez le spectateur un sentiment de « déjà-vu », de connaître et reconnaître des musiques qu’il a entendues plus jeune, dans des spots publicitaires, lesquelles stimuleront son cerveau et ses émotions. Les musiques de comédies musicales sont rassurantes, douces, elles ne font pas appel à des biais intellectuels poussés. Et c’est le but !

Le philosophe Bertrand Vergely explique que « de par sa nature, la comédie musicale est un art joyeux, c’est la fête populaire sur la scène. C’est ce qu’on appelle un spectacle total, c’est en cela que c’est génial » et ajoute : « C’est un art très accessible et démocratique. Tout le monde est le bienvenu, contrairement à l’opéra par exemple, bien plus triste et austère et qui fait appel quant à lui à un public plus exigeant. »

« un antidote à la tristesse, une aide pour aller mieux »

Si l’on prend la comédie musicale la plus connue – du moins la plus admirée et référencée -, West Side Story, on y voit une histoire d’amour à la Roméo et Juliette sur fond de bastons de bandes rivales, mais la musique, les dialogues bienveillants et les dénouements heureux permettent de mieux appréhender le réel, bien plus sombre et angoissant. Pour Bertrand Vergely, « la différence majeure entre les comédies musicales américaines et françaises, c’est que les Américains mettent en scène un antihéros qui traverse une société déshumanisante, déshumanisée, tandis que les Français aiment le côté chevaleresque, le panache, le charme. »

Le philosophe analyse le plaisir procuré par la comédie musicale comme « un antidote à la tristesse, une aide pour aller mieux » contrairement à certains penseurs ou à certaines élites qui voient en cet art une forme de régression, parfois un abrutissement des masses. Bertrand Vergely n’en démord pas : « En France, on a une tradition voire une filiation de l’opéra-comique. Assister à une comédie musicale ne fait pas du public un benêt, au contraire, la culture contemporaine a besoin de cette forme de divertissement pour s’évader d’un quotidien morose. »

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