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La semaine de Philippe Labro : la Nation des livres, le récit de la République

Edouard Philippe, un grand lecteur selon Philippe Labro. [ALAIN JOCARD / AFP]

Philippe Labro est écrivain, cinéaste et journaliste. Chaque vendredi, pour CNEWS Matin, il commente ce qu'il a vu, vécu et observé pendant la semaine. Un bloc-notes subjectif et libre.

Vendredi 15 septembre

Parlons livres. Les suppléments littéraires, les numéros spéciaux, les sites et les blogs ont déjà, à l’occasion de la rentrée, commenté l’avalanche de nouveaux romans – plus de cinq cents, je crois –, un phénomène si particulier à la France.

Ne nous en plaignons pas. Même si «c’est trop», c’est mieux que le silence, l’absence, la disparition du livre : découvrir, imaginer, feuilleter, corner la page et y revenir, souligner au crayon et le ranger quelque part, chez soi, en sachant qu’on ne le relira peut-être jamais, mais il est là, il appartient à notre vie intime, à notre jardin secret.

Nous avons la chance d’être une nation littéraire. Lorsque François Mitterrand prenait un hélicoptère pour aller déjeuner en Bourgogne chez Bernard Loiseau, il choisissait un livre dans sa bibliothèque et le lisait sur le trajet. Ses successeurs n’ont pas tous démontré ce même amour pour la lecture. Nous connaissons aujourd’hui la particularité d’être dirigés et gouvernés par deux hommes pour lesquels le livre compte beaucoup.

Emmanuel Macron en a disposé quelques-uns autour de lui pour son portrait officiel (Gide, Stendhal, De Gaulle). Quant à son Premier ministre, Edouard Philippe, c’est, lui aussi, un homme dont la vie, les choix humains et politiques, ont été influencés par les livres. «Rien ne remplacera jamais la lecture dans l’accumulation du savoir humain», a-t-il écrit dans son propre ouvrage, «Des hommes qui lisent», paru en juillet chez Jean-Claude Lattès, juste avant qu’il ne soit nommé à la tête du gouvernement.

C’est un bouquin très autobiographique, et l’on y trouve deux listes, celle des livres qu’il aime et celle de ceux qu’il lui reste «encore à lire». Avec modestie, le Premier ministre avoue qu’il n’a toujours pas lu Madame Bovary.

J’ai pu l’observer récemment, à Matignon. Il sortait de la cellule de crise tenue en urgence pour évaluer les désastres causés par l’ouragan Irma, une longue séance place Beauvau, le président Macron étant présent. Nous étions plus de cent à l’attendre dans les salons de Matignon, invités pour rencontrer les nouveaux «leaders» choisis par la Fondation France Chine.

Il arrive avec une heure et demie de retard, Irma oblige. En quelques phrases, le Premier ministre explique le drame et parvient, par l’agilité de son verbe, à relier le geste d’amitié que nous devons avoir pour les Français d’outre-mer avec l’amitié qui lie la France à la Chine. Cet homme est séduisant : il émane de lui un sens précis du rôle qui est le sien et de la relativité des choses. Autour de lui, je n’ai vu que des personnes de 30 à 40 ans – la nouvelle génération.

De l’univers du pouvoir, un confrère de talent, l’écrivain Pierre-Louis Basse, a tiré un livre savoureux, «Le flâneur de l’Elysée» (éd. Stock), paru il y a deux jours. A lire, pour apprécier la verve de l’auteur – et pour mieux comprendre ce qu’a signifié, pour ce non-initié en politique, une immersion dans ce monde étrange et clos, parfois surprenant, parfois décevant, qu’aura été la vie sous la présidence Hollande, à propos de qui l’auteur ne dissimule pas sa tendresse.

Le regard d’un «flâneur» est toujours instructif. Avec Pierre-Louis Basse, à l’intérieur de cette «machine à cocasseries», on va de l’ironie à l’étonnement et des petits bonheurs à la grande tragédie, celle des attentats de novembre 2015. C’est étincelant et révélateur. La Bruyère a écrit : «C’est un métier que de faire un livre, comme de faire une pendule : il faut plus que de l’esprit pour être auteur.»

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