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AlphaCast : «La liberté de création offerte par Dungeons & Dragons est vertigineuse»

AlphaCast est à l'origine de l'émission Table Quest. [© Twitter @Eventis.]

Ils se sont bien trouvés. Depuis qu’il a récemment plongé dans le monde du jeu de rôle sur table, le streamer et Youtubeur AlphaCast, de son vrai nom Sébastien Férez, a décidé de faire les choses en grand avec Wizards of the Coast, propriétaire de la plus célèbre des franchise du genre, Dungeons & Dragons. Prochaine étape, dès ce vendredi 18 mars à 20h, avec le premier épisode de son nouveau rendez-vous consacré à l’Heroic Fantasy, baptisé One Quest.

Cette série de courtes aventures prévues pour durer le temps d'une soirée est diffusée en direct sur la chaîne Twitch d’Alphacast. Elle réunit les collègues aventuriers de celui qui s’est fait un nom il y a quelques années en prenant la tête de l’équipe de France, pour la coupe du monde du jeu Overwatch. Une belle occasion pour CNEWS de faire le point avec lui sur le jeu de rôle (JDR), qui n’en finit plus de séduire de nouveaux adeptes dans le monde entier, comme le montrent les chiffres impressionnants de Dungeons & Dragons (D&D), dont les ventes explosent, et qui depuis l'année dernière apporte un soin particulier à traduire sa production en français.

Par rapport à vos activités dans le jeu vidéo, le jeu de rôle sur table, avec D&D, est plus récent ?

Alphacast : Contrairement à beaucoup de monde, j’ai en effet fait le chemin inverse. Je suis d’abord gamer depuis très longtemps, et je pratique beaucoup les RPG (role playing games) comme The Witcher III, Mass Effect, ou encore dans un autre genre, Elden Ring. Je n’avais jamais essayé le jeu de rôle (JDR) avant 2020. Je n’avais pas eu d’occasions de le faire, pas d’amis dans mon entourage pour essayer. Et c’est en jouant à Baldur’s Gate III sur PC, suite en accès anticipé de la saga située dans l’univers des Royaumes oubliés de D&D, que je suis tombé amoureux de l’univers et de l’ambiance. C’est une parfaite adaptation des règles de D&D. J’ai finalement découvert le système de jeu en version papier via ce jeu vidéo. J’ai eu envie de franchir le pas suite à cette expérience. 

Qu’est-ce qui vous a motivé dans l’idée de tenter l’expérience autour d’une table ?

La première raison, tout bêtement, c’était de retrouver le plaisir de partager quelque chose avec des gens autour de moi. Le projet Table Quest est né de ce désir. Les conditions sanitaires nous bloquaient tous, et j’avais envie de retrouver mes collègues streamers, faire des événements en réel. L’idée était aussi – et c’était une première pour moi – de proposer une véritable émission en plateau, ambitieuse, qui sorte de l’ordinaire. 

On passe un bon moment avec ses amis, en s'immergeant dans un univers, sans limite, restriction, ni pression.

Pour moi, le côté magique de D&D et du JDR papier de manière générale, c’est ce côté sans limite. Le maître du jeu peut faire évoluer les règles, le monde et les personnages de manière organique. C’est très grisant pour quelqu’un qui vient du jeu vidéo, dont les jeux possèdent leurs règles fixes et immuables, avec des personnages non joueurs (PNJ) qui ont été programmés pour discuter d’une certaine manière, répondre à des propositions précises, alors que là, tout peut évoluer dans n’importe quel sens. C’est cette liberté vertigineuse qui m’a séduite. J’ai pu voir ce que faisais par exemple Matthew Mercer avec Critical Role (l’émission de référence aux Etats-Unis). C’est sacrément fou le pouvoir de l’imagination, comment on peut vivre des aventures, se sentir libre, se perdre dans un monde quand on n’est pas limité par ces règles qu’on trouve dans un jeu vidéo.

Quels arguments auriez-vous pour convaincre les indécis de se lancer dans une partie ?

C’est avant tout la liberté de création. Tout peut arriver. Et puis il n’y a pas cette sorte de tension qui peut exister dans le jeu vidéo, où l’on a une obligation de réussir, de gagner. C’est juste passer un bon moment avec ses amis, en s’immergeant dans un univers, sans aucune limite, restriction, pression. 

Déjà, tu rigoles bien, parce que les tentatives de faire l’acteur avec son personnage sont plus ou moins réussies et donnent lieu à des séquences amusantes. Tout le monde se lâche, et dans la période actuelle où on a tous été empêché de se voir, de se rencontrer en vrai, dans une ambiance conviviale, ça fait du bien. Ca fait d’ailleurs vraiment plaisir de voir que l’engouement est de retour pour ce loisir. On en revient à quelque chose qui offre de bonnes sensations. 

Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui va jouer sa première partie ?

Il faut savoir si on veut être Maître du Donjon (MD, «l'arbitre» qui raconte l’histoire et joue les personnages rencontrés par les joueurs), ce qui demande de la préparation, ou joueur. Je peux parler de mon expérience de joueur. Honnêtement, si on est avec un maitre du donjon expérimenté, il suffit juste de savoir dans la peau de quel personnage on veut se glisser. Moi ça m’a pris un certain temps, car je voulais éviter de tomber dans les clichés ou les pièges de personnages sympas sur le papier mais qui manquent de relief pendant une partie. Pour ce qui est des règles, je me suis jeté sur le fameux manuel des joueurs, qui a toutes les infos nécessaires pour bien commencer en tant que joueur, bien connaitre son personnage.

Il faut aussi connaître sa feuille de personnage, ses caractéristiques et attributs qui serviront pour les jets de dés et les actions, regarder les bons chiffres, comment ils sont traduits sur la table. Mais c’est très rapide. On peut aussi utiliser le Kit l’Essentiel, idéal en ce sens, avec beaucoup de contenu pour profiter de premières parties clés en main, de l’écran de maître aux cartes, en passant par un livre de règles simplifiées. Et, bien entendu, avoir des jolis dés, un des symboles de D&D ! Même si on n’a pas eu le temps de bien lire les manuels, il faut se laisser porter par le Maître du jeu quand on commence. 

Vous verra-t-on bientôt dans la peau du Maître du Donjon ?

Je n’ai pas encore été maître du donjon. C’est quelque chose qui me plairait énormément, mais il faut trouver un moment pour écrire ! Donc en principe, pour le prochain One Quest qu’on va tourner en plateau, je serai le maître du donjon, c’est un gros challenge ! Rien que pour interpréter toutes sortes de PNJs, j’ai hâte de tenter l’expérience. Je pense que dans ce rôle, ce qui est important c’est que les joueurs respectent le MD, écoutent bien ce qu’il a à dire. Ça peut être intéressant, et rassurant, d’avoir un texte d’intro bien écrit, à lire aux joueurs en début de partie, pour tout de suite les plonger dans l’histoire et planter le décor. La musique de fond peut aider beaucoup pour rajouter à l’immersion. Sur Table Quest, on a la chance d’avoir les lumières, la musique, les décors, c’est d’autant plus facile de se sentir impliqué.

En quoi va consister One Quest, dont le premier épisode se déroule ce vendredi 18 mars, à 20h ?

Dans Table Quest, il y avait plusieurs épisodes, sous forme de campagne qui a duré plusieurs mois. Il y avait beaucoup de gens qui avaient au final du mal à suivre, qui avaient pu louper un épisode… En attendant la saison 2 de Table Quest, qui est en cours de discussion, on s’est dit qu’on pourrait faire des one shot, des scénarios qui se jouent en une soirée, avec des invités différents à chaque fois.

L’idée est donc de faire un scénario différents avec des amis différents à chaque épisode. Pour le prochain One Quest, l’idée est que chaque joueur que je vais inviter – Zerator, Little Big Whale, pvnova, Baghera Jones – qui sont tous streameurs, a écrit le personnage d’un autre. On se retrouve avec une boucle qui peut être très amusante, avec des rôles qui peuvent être à l’opposé de ce que les joueurs ont l’habitude d’interpréter. 

Comment s’est monté le partenariat sur Table Quest ?  

A l’origine, j’étais allé commenter une compétition de Age of Empires, avec Zerator, dans les studios de ZQSD productions, qui produit Table Quest et One Quest. A cette occasion, on avait un décor fou, de type taverne. Je me suis dit qu’avec un tel décor, ça serait parfait de faire une partie de JDR. J’ai découvert ensuite Baldur’s gate III et les règles de D&D. Je me suis dit que faire une grosse émission de JDR ambitieuse, immersive, serait assez génial. J’ai proposé le projet à ZQSD, qui était très tenté, il y avait beaucoup de fans de D&D. On a cherché des sponsors, ce qui n’est pas évident pour du JDR, contrairement au sponsoring gamer. On a cherché des contacts à droite à gauche, et au final, on a rencontré Wizards of the Coast, qui possède D&D. De fil en aiguille, ils se sont pris d’intérêt pour le projet. Désormais, après Table Quest, on va continuer sur One Quest. 

Dans votre carrière, encore jeune, de rôliste, avez-vous déjà un souvenir marquant à nous partager ?

J’ai tout de suite en tête la partie qu’on avait pu faire au Grand Rex, à Paris, avec le public, dans Table Quest. C’était un moment assez fou. Notre MJ, Lynkus, avait crée une arme pour Eventur, le personnage d’un de nos amis joueur, Eventis, un «occultiste» qui peut invoquer des armes, toujours originales. Lynkus avait crée une masse, la «massimum de bruit». Elle réagissait en fonction des décibels créés par le public. Ces décibels agissaient comme un multiplicateur de dégâts. J’ai trouvé le concept génial. Quand Eventur a dû utiliser son arme, on a demandé au public de hurler le plus fort possible. On a atteint 110 décibels, et ça a fait le modificateur de dégâts.

Sur ce coup, Eventur a terrassé la créature, avec un timing parfait. C’était comme le point culminant de cette campagne, avec la participation du public. On leur demandait souvent des choix de vote durant l’aventure, pour qu’elle aille dans une direction ou l’autre. Un de mes meilleurs moments de jeu de rôle pour le moment. 

Quels ont été les retours de votre communauté après les émissions Table Quest ?

J’ai eu d’excellents retours. Des gens qui découvraient pour la première fois le JDR, mais aussi beaucoup de commentaires de personnes qui redécouvraient ce loisir, après l’avoir un peu abandonné, et retrouvaient l’envie d’en faire. Beaucoup de gens ont franchi le pas et testé D&D. Même si on enlève tous les décors et costumes de l’émission, l’esprit qu’il y a autour de la table a séduit. J’ai vraiment reçu de nombreux témoignages de spectateurs convertis au JDR sur papier. Et puis l’avantage, c’est que le scénario D&D qu’on a joué, Descente en Averne, est en fait le préquel de l’histoire racontée dans Baldur’s Gate III. De quoi faire le lien entre JDR de papier et RPG sur écran. 

Avez-vous constaté un type de profil, un âge, qui serait plus susceptible d’accrocher à cette pratique ?

Je ne pense pas qu’il y ait un âge pour commencer. Quand on est streamer, on a souvent une communauté qui nous ressemble, nous comprend, qui nous suit depuis un certain temps et qui évolue avec nous.

Il n'y a pas d'âge pour se lancer dans une aventure.

Je n’ai pas le sentiment en tout cas de m’adresser à une partie de ma communauté et de laisser l’autre de côté. Je pense que la frontière entre jeux vidéo et JDR sur table est très poreuse, beaucoup de ceux qui me suivent me demandent souvent quand aura lieu la prochaine émission de JDR. 

Quelle place va prendre le jeu de rôle sur vos différents supports et chaînes ? 

J’avoue que je n’ai pas trop cherché à calculer. Si quelque chose me passionne, j’essaye de le transmettre. Pour le JDR, à chaque fois que j’en parle sur ma chaine, je fais en sorte que ça soit une bonne production, avec un studio, bien organisé, avec des guests sympas. Ça n’est bien évidemment pas tous les jours, mais quand il y a une émission, ça sera un beau rendez-vous, avec un budget derrière.

Quand on compare au nombre de streams que je fais, le JDR est bien entendu résiduel, puisque ce sont des émissions ponctuelles, avec une grosse organisation. Mais ce format très libre, tout en vivant une aventure dans un univers précis, c’est quelque chose qui fonctionne très bien pour une émission sur Twitch. Sur ce réseau, ce qui fonctionne, c’est quand le public a une histoire à suivre, une trame narrative passionnante. Pour Table Quest, on visait une émission par mois, pour One Quest, on vise le même rythme. Un stream de jeu video est beaucoup plus simple à organiser, il suffit d’un écran. 

En avril prochain,vous célébrerez les 10 ans de votre première vidéo. Depuis tout ce temps, comment avez-vous vu évoluer le secteur du stream, des influenceurs, des communautés, de la technologie ?

Dans l’évolution du métier, il y a un accent toujours plus fort sur le culte de la personnalité. Il y a 10 ans, dans les contenus que je créais, et le milieu dans lequel j’étais, le point central était plus autour du contenu des émissions que sur les personnes qui les créaient. Aujourd’hui, les streamers-youtubeurs l’ont bien compris, cultiver ce culte de la personnalité est bien plus important, de manière à ce qu’il y ait un lien durable avec sa communauté, que les gens vous suivent sur le long terme parce que c’est votre personnalité, plutôt qu’une émission particulière. Le problème d’axer autour de l’émission, c’est que dès que celle-ci s’arrête, ça devient problématique pour les créateur de contenus. 

Sur l’évolution de l’ambiance, sur les réseaux, je dirais qu’avec le temps il y a plus de monde, donc tout prend de plus grandes proportions. Quand il y a des débats sur Twitter, ça peut très vite prendre des directions difficiles à contrôler. Avec le temps, les débats sont plus délicats. On sent directement une tension qui peut s’installer. Il y a 10 ans, c’était beaucoup plus potache. Sur la mixité, il y a eu de nombreuses avancées, y compris sur la représentation féminine, même s’il y a encore beaucoup de travail à faire. En France, on a de la chance là-dessus, on a de nombreuses streameuses qui représentent bien le secteur. Il y a encore des scénarios où ça n’est pas idéal, mais les choses évoluent dans le bon sens. 

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