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L'Eure rachète une papeterie pour la revendre et sauver des emplois

Vue générale de l'usine M-Real Alizay (Eure) lors du blocage de l'entrée par les salariés de l'entreprise pour la quinzième journée consécutive, le 03 novembre 2011 [Kenzo Tribouillard / AFP/Archives] Vue générale de l'usine M-Real Alizay (Eure) lors du blocage de l'entrée par les salariés de l'entreprise pour la quinzième journée consécutive, le 03 novembre 2011 [Kenzo Tribouillard / AFP/Archives]

En prenant le contrôle du site de la papeterie M-Real d'Alizay fermée en avril dernier pour en revendre la plus grande partie le même jour à des repreneurs, le Conseil général de l'Eure a permis de faire aboutir des négociations qui étaient au point mort depuis plusieurs mois.

Le président du conseil général, Jean Louis Destans (PS), parle "d'une prise de contrôle temporaire" et pas d'une "nationalisation" comme il en fut beaucoup question pour le site ArcelorMittal de Florange en Moselle.

En août dernier, les discussions traînaient en longueur entre les candidats à la reprise d'un côté, le papetier Double A, basé à Hong Kong, et le producteur d'énergie français Neoen, filiale du groupe Direct Energie, et le propriétaire du site, le Finlandais M-Real, de l'autre. "C'était compliqué de faire vendre par M-Real et de faire acheter par Double A et Neoen", se souvient le préfet de l'Eure, Dominique Sorain.

Le conseil général, qui suivait ce conflit depuis l'annonce de la fermeture du site au printemps 2011 et avait réclamé à une époque "l'expropriation" de M-Real, est alors intervenu pour tenter de débloquer la situation. "Le parti que nous avons pris avec le préfet était d'entrer directement dans les négociations pour pouvoir peser et pas simplement servir de médiateur", précise Jean Louis Destans.

Au terme de plusieurs mois de discussions discrètes, les élus du département sont parvenus à emporter l'adhésion du papetier finlandais, réticent au départ à l'idée de vendre le site à un concurrent. "Le projet de reprise était devenu global pour M-Real qui avait de surcroît la garantie de la signature d'une collectivité publique", estime Eric Lardeur, délégué CFDT.

L'accord prévoit que le conseil général rachète dans le courant décembre à M-Real, pour 22 millions d'euros, l'ensemble du site qu'il partagera aussitôt en trois lots. Le premier sera revendu à Double A qui veut relancer la fabrication d'origine de l'usine, les ramettes de papier A4, et le deuxième à Neoen qui exploitera la centrale fournissant l'énergie aux machines.

Des salariés de l’entreprise M-Real Alizay (Eure) bloquent l'entrée de leur usine pour la quinzième journée consécutive, le 03 novembre 2011 [Kenzo Tribouillard / AFP/Archives]
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Des salariés de l’entreprise M-Real Alizay (Eure) bloquent l'entrée de leur usine pour la quinzième journée consécutive, le 03 novembre 2011

Quant au troisième, il sera remis à un établissement foncier, en attendant d'être aménagé pour accueillir d'autres activités, notamment en bord de Seine, un port fluvial dédié à des trafics de vracs.

Les premiers salariés devraient être embauchés en janvier pour un redémarrage des installations en mai ou juin, selon l'intersyndicale CGT-CFE/CGC. Quelque 150 à 200 salariés devraient être repris dans un premier temps, un effectif qui pourrait être porté à 250 à moyen terme alors que la papeterie comptait 330 emplois au moment de la fermeture. "Mais ce qui nous intéresse, c'est que des projets industriels vont pouvoir à nouveau se développer sur le site", estime Eric Lardeur.

L'opération a été facilitée par la qualité de l'outil industriel qui est, selon l'intersyndicale, l'un des plus performants en Europe. "L'usine a fermé ses portes, non parce qu'elle était obsolète, mais parce que M-Real voulait recentrer ses activités sur le carton d'emballage", précise Eric Lardeur.

Jean-Louis Destans estime que ce projet est "exemplaire" en matière d'intervention des collectivités dans l'économie, sans toutefois avoir vocation à "être transposable à l'identique" ailleurs.

De son côté, le président de l'Assemblée des départements de France (ADF), Claudy Lebreton (PS), assure que ce genre d'interventions est plus fréquent qu'on ne le pense. "Cela se fait en totale discrétion pour le bien des entreprises", assure-t-il, en estimant qu'il faut "s'inspirer d'un tel exemple tout en sachant que cela ne pourra pas marcher partout".

Pour sa part, la ministre déléguée aux PME, Fleur Pellerin, a estimé que ce projet était "bien plus" qu'un projet de revitalisation. "C'est un authentique projet de réindustrialisation, de préservation de l'outil productif", a-t-elle déclaré, à l'Assemblée nationale, en réponse à une question posée par Jean-Louis Destans.

Dans le département voisin de la Seine-Maritime, le conseil général est allé plus loin au début des années 2000 en prenant le contrôle d'une partie du port britannique de Newhaven dont il est toujours propriétaire. L'objectif, tenu jusqu'à ce jour, était de pérenniser la ligne de car-ferries Dieppe-Newhaven menacée de fermeture.

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