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Allemagne : pourquoi le village de Lützerath devient le symbole de l'inaction politique pour le climat ?

Les militants ont une nouvelle fois affronté la police à Lützerath, en Allemagne, ce samedi 14 janvier. [INA FASSBENDER / AFP]

Depuis plusieurs jours, les autorités allemandes essayent de déloger des manifestants écologistes du village de Lützerath, en Allemagne. Menacé par l'expansion d'une mine de charbon, il témoigne des difficultés politiques à s'engager dans la transition écologique.

C'est un trou de lignite perdu dans l'ouest de l'Allemagne. Le petit village de Lützerath fait, depuis plusieurs jours, la une de l'actualité. La raison ? Plusieurs milliers de militants écologistes s'y sont rassemblés pour protester contre l'extension d'une mine de charbon, qui causerait la démolition de cette commune désertée par ses habitants.

La semaine dernière, les forces de l'ordre se sont mis en nasse autour de la commune pour déloger les manifestants. Mais ces derniers, nombreux et organisés, tentent l'impossible pour empêcher ce projet d'expansion.

À travers ce fait divers de plus en plus commun à l'heure où le dérèglement climatique devient une cause prépondérante, on peut y voir les difficultés des pouvoirs publics à engager des politiques immédiates en faveur de l'environnement.

De quoi parle-t-on ?

En réalité, l'histoire remonte au mois de juillet 2020. Près de 200 militants ont alors investi Lützerath, situé dans le land de Rhénanie-Palatinat, à moins de 150 kilomètres de la frontière française, pour s'opposer à sa destruction.

En effet, le gouvernement a autorisé la société d'énergie allemande RWE (Rheinisch-Westfälisches Elektrizitätswerk, soit société des centrales électriques de Rhénanie-Palatinat) à étendre Garzeilwer II, une mine de charbon à ciel ouvert.

Ce trou béant est d'ailleurs situé à quelques centaines de mètres à peine des habitations. Mais depuis l'annonce de ce projet d'extension, les locaux ont laissé à l'abandon leur maison, laissant l'opportunité aux associations de défense du climat d'investir les lieux.

Pour autant, la société RWE est dans son droit. Le village lui appartient quasi intégralement, et un accord a été signé avec le gouvernement allemand pour autoriser le projet. Il stipule que la société doit fermer ses centrales à charbon d'ici à 2030, au lieu de 2038, mais d'ici-là, elle sera autorisée à étendre son exploitation.

Pourquoi l'Allemagne s'obstine ?

Cela n'aura échappé à personne, le contexte géopolitique est extrêmement tendu en Europe depuis près d'un an, avec l'invasion russe en Ukraine. Suite au soutien massif des pays occidentaux, Moscou a stoppé ses exportations de gaz. Problème, 55% du gaz consommé en Allemagne vient de Russie, sachant que le gaz et pétrole représentent également 38% du mix énergétique allemand.

Dès lors, le chancelier Olaf Scholz a dû trouver plusieurs alternatives immédiates pour éviter les coupures de courant répétées pour l'hiver suivant. Avec un déficit en nucléaire et l'intermittence du renouvelable, une seule solution possible : augmenter la part du charbon, incluant le lignite exploité près de Lützerath.

«Pour réduire la consommation de gaz, il faut utiliser moins de gaz pour produire de l’électricité. À la place, les centrales à charbon devront être davantage utilisées», déclarait le ministère de l'Économie dans un communiqué au mois de juin 2022.

Alors que ces centrales doivent arrêter de fonctionner d'ici à 2030, leur utilisation a bondi de 13,3% sur un an pour faire face à l'absence de gaz russe. Désormais, le charbon représente 36,3% de l'électricité allemande, selon l'Office national des statistiques, Destatis.

Un choix «douloureux, mais nécessaire», rappelait Robert Habeck, le ministre de l'Économie et du Climat. De son côté, RWE a souligné que l'utilisation de charbon «est nécessaire pour faire fonctionner à capacité élevée les centrales en période de crise énergétique et économiser ainsi du gaz dans la production d'électricité en Allemagne».

Quelles sont les revendications militantes ?

Mais les associations écologistes, qui n'ont pas la même vision productiviste que l'État allemand, ont décidé de faire de Lützerath leur point de rassemblement. Alors que RWE comptait engager les travaux de démolition, ce sont plus de 2.000 militants qui se sont rassemblés la semaine dernière, dans les habitations abandonnées ou dans des cabanes dans les arbres.

Petit à petit, les forces de l'ordre ont procédé à l'évacuation du village, jusqu'à ce qu'il ne reste plus que 200 personnes ce mercredi 11 janvier. Mais ce samedi, Greta Thunberg s'est rendue sur place pour soutenir le mouvement. Plus de 35.000 activistes (selon les organisateurs) étaient ainsi présents pour s'opposer aux forces de l'ordre. Des échauffourées ont alors éclaté, avec des blessés côtés manifestants.

«Il est honteux que le gouvernement allemand conclut des accords et des compromis avec des entreprises comme RWE. Le charbon de Lützerath doit rester dans le sol», a lancé l'activiste suédoise depuis une tribune.

Selon les militants, l'utilisation de charbon et de lignite serait un désastre pour l'environnement, et serait un facteur aggravant du réchauffement climatique. Alors que les pays du monde se sont accordés pour réduire drastiquement leurs émissions de gaz à effet de serre pour limiter à 1,5°C l'augmentation moyenne des températures, l'exploitation de Garzeilwar II irait à l'encontre de cet objectif.

La police allemande a déclaré à l'AFP que l'évacuation pourrait durer plusieurs semaines. Le bras de fer qui oppose RWE et les «zadistes» aura donc l'occasion de se poursuivre, au grand dam du gouvernement allemand.

Selon les prédictions pessimistes du dernier rapport du Giec, publié en avril 2022, le réchauffement climatique pourrait atteindre les +3,2°C si les gouvernements n'engagent pas des solutions immédiates pour limiter leurs émissions.

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