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Fañch, Jihad, Nutella… Quand la justice refuse des prénoms

Un bébé en train de dormir Le plus souvent, la justice refuse certains prénoms car elle juge qu'ils sont contraires aux intérêts de l'enfant. [DR]

Le petit Fañch, 19 mois, va finalement pouvoir garder son prénom. C'est ce qu'a tranché lundi la cour d'appel de Rennes. Cette affaire est loin d'être un cas isolé. Récemment, la justice a refusé certains prénoms, jugés contraires à l'intérêt de l'enfant qui devait les porter.

Jihad

Début novembre, la mairie de Dijon (Côte-d'Or) a saisi la justice, après qu'une mère a décidé d'appeler son fils «Jihad». Le parquet compte délivrer une assignation pour faire annuler le prénom. «Même si le prénom de Jihad ou Djihad est un prénom attribué dans le monde arabe et qui signifie sur le livre des prénoms du monde arabe: 'combat sacré', 'guerre sainte', 'travail', 'effort', et qu'il peut donc avoir un sens positif, il n'en demeure pas moins que dans l'opinion publique et au vu du contexte terroriste actuel, ce prénom est nécessairement associé aux mouvements islamistes intégristes», a justifié le procureur de la République de Dijon, Eric Mathais.

En octobre 2017, il était arrivé la même histoire en Haute-Garonne, où la mairie de Léguevin avait effectué un signalement au procureur de la République pour le même prénom, qui avait finalement été annulé et transformé en «Jahid». Depuis 1970, près de 500 enfants appelés «Jihad» sont nés en France, une évolution de plus en plus surveillée par les mairies.

Liam pour une fille, Ambre pour un garçon

Le 11 novembre dernier, la procureure de Lorient (Morbihan) a fait appel de deux décisions de justice ayant autorisé deux couples à appeler leur fille «Liam» et leur garçon «Ambre». «Ma position n'est ni militante, ni dogmatique. J'ai fait mes recherches, observé que ce n'étaient pas des prénoms mixtes. Ils m'apparaissaient donc contraire à l'intérêt de l'enfant», puisque de nature à «créer un risque de confusion de genre», a expliqué la magistrate, Laureline Peyrefitte.

«Le tribunal en première instance était composé d'un magistrat. Ils seront trois à la cour d'appel à se pencher sur cette question de fait, à savoir: 'Liam et Ambre sont-ils des prénoms mixtes?'», a-t-elle poursuivi. L’avis de la cour d’appel de Rennes (Ille-et-Vilaine) n’est pas attendu avant plusieurs mois.

Nutella et Fraise

En l'espace de quelques semaines fin 2014, le tribunal de Valenciennes (Nord) a dû statuer sur deux affaires de prénoms. Le 24 septembre, un couple décide d'appeler son bébé «Nutella». Ce choix heurte l'officier de l'état civil, ce qui aboutit à une audience au tribunal. En l'absence des parents, le juge choisit de renommer l'enfant «Ella», estimant que «le prénom 'Nutella' donné à l’enfant correspond au nom commercial d’une pâte à tartiner. Et il est contraire à l’intérêt de l’enfant d’être affublé d’un tel prénom qui ne peut qu’entraîner des moqueries ou des réflexions désobligeantes».

Puis, le 17 octobre 2014 naît une petite Fraise à Raismes, près de Valenciennes. Fin janvier 2015, le tribunal refuse le prénom, car il «sera nécessairement à l’origine de moqueries, notamment l’utilisation de l’expression 'ramène ta fraise', ce qui ne peut qu’avoir des répercussions néfastes sur l’enfant». Les parents décident alors de renommer leur enfant «Fraisine», «un ancien prénom usité au 19e siècle».

Titeuf

Avis aux fans de bande dessinée, il n'est pas toujours possible d'appeler son enfant par le prénom de son héros favori. Un couple de l'Oise l'a appris à ses dépens. Le 7 novembre 2009, ces parents décident de nommer leur petit garçon Titeuf, comme le célèbre personnage de BD à la mèche jaune. Le juge aux affaires familiales refuse, mais le couple fait appel.

La cour d'appel de Versailles (Yvelines) leur donne une nouvelle fois tort, expliquant que Titeuf est «un garnement pas très malin dont les principales préoccupations concernent les relations avec les filles et le sexe». Les parents persistent et se pourvoient en cassation. La cour confirme la décision, jugeant qu'appeler son fils «Titeuf» était contraire à son intérêt, ce qui oblige les parents à changer le nom de leur enfant.

Fañch

Les revendications régionalistes sont parfois au coeur de la bataille pour certains prénoms. C'est le cas avec ce couple de Quimper (Finistère), qui a décidé le 11 mai 2017 d'appeler son fils «Fañch», un prénom typiquement breton, équivalent de François, mais qui est surtout - et ce sera le centre du débat - agrémenté d'un tilde (~), un signe diacritique qui n'existe pas dans l'alphabet français.

A la naissance du bébé, l'officier d'état civil avait refusé de retenir l'orthographe bretonne, avant d'être désavoué par l'adjointe au maire. Le procureur était alors intervenu, et une audience au tribunal avait eu lieu en septembre 2017. Ce dernier avait refusé le prénom, estimant qu'autoriser le tilde reviendrait «à rompre la volonté de notre Etat de droit de maintenir l'unité du pays et l'égalité sans distinction d'origine».

La cour d'appel de Rennes (Ille-et-Vilaine) a finalement autorisé, lundi 19 novembre, le petit Fañch à garder son tilde, jugeant que son usage «n'est pas inconnu de la langue française» et figure à plusieurs reprises dans plusieurs dictionnaires. Ella a rappelé aussi que le tilde était utilisé par l'Etat dans des décrets de nomination dans les patronymes de personnes nommées par le président de la République.

En octobre dernier, la nomination de Laurent Nuñez comme secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Intérieur Christophe Castaner avait d'ailleurs ravi Bernez Rouz, président du conseil culturel de Bretagne, qui avait remarqué sur Twitter que le tilde était donc «légal au plus haut sommet de l'Etat».

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