«Confinement total» : ces deux mots, prononcés par Emmanuel Macron, ont provoqué un exode massif des Parisiens vers la province. En période d'épidémie, ce comportement contribue-t-il à propager le virus ? Comment réagissent les habitants des régions d'accueil ?
A Arcachon, sur les îles d'Oléron ou de Ré, les volets de nombreuses résidences secondaires ont rouverts. Les autorités locales s'inquiètent de cet afflux d'arrivants venus fuir le coronavirus.
«On sait que des résidents secondaires sont arrivés car il y avait beaucoup de monde dans les supermarchés, la gendarmerie a dû intervenir au Leclerc de Saint-Martin-de-Ré pour rappeler les règles», dit Patrick Rayton, maire de La Couarde-sur-Mer (1.100 habitants) sur l'île de Ré.
Dans un communiqué, plusieurs communes de l'île d'Oléron s'inquiètent d'un «risque de surcharge aux services d’urgences qui ne sont pas dimensionnés pour gérer un nombre de patients potentiels supplémentaires».
Pourtant, selon Pascal Crépey, enseignant chercheur au département d'épidémiologie de l'Ecole des hautes études en santé publique, il n'est pas certain que «la transhumance des citadins» accélère la propagation du virus.
«D'abord, les personnes qui sont parties n'étaient pas forcément contagieuses, commence-t-il. Et, de toute façon, la diffusion en région a déjà lieu. Même si les tous premiers cas français de coronavirus étaient majoritairement parisiens, l'introduction de la maladie en province n'est pas liée à Paris.»
C'est la fuite hors de Paris à gare Montparnasse. Beaucoup de jeunes qui se rendent dans leur famille pour y passer leur confinement. Beaucoup de très grosses valises, signe qu'on ne prévoit pas de revenir si tôt dans la capitale... #COVID19france #confinementtotal pic.twitter.com/akiZy3XJ8D
— Pierre Tremblay (@tremblay_p) March 16, 2020
En réalité, d'un point de vue purement théorique, Pascal Crépey considère même que cet exode pourrait être bénéfique s'il permet de diminuer «la densité de population des villes», qui favorise la transmission du virus.
Néanmoins, le chercheur comprend l'inquiétude que cela peut susciter. Il pointe notamment la possibilité de cas asymptomatiques parmi les «exilés». «Il ne faudrait pas que cela déplace le problème, concède-t-il. Surtout dans des zones où les déserts médicaux posent d'autres problèmes de recours aux soins.»
C'est justement ce qui inquiète Denis Palluel, maire d'Ouessant : «On a très peu de filets de sécurité au niveau approvisionnement, au niveau sanitaire. A Molène par exemple, il n'y a pas de médecin. A Ouessant il y en a un seul, on serait très vite débordés», explique-t-il.
Les habitants des régions plébiscitées semblent d'ailleurs partager ces craintes. Sur les réseaux sociaux, plusieurs ont appelé les Parisiens à «rester chez eux».
Plus de pain à 10h du matin dans la boulangerie de mon village sur l'île de Ré: les #Parisiens sont arrivés cette nuit en masse (les parkings sont pleins) et ce matin, en terrain conquis, ils ont vidé les rayons de la #superette et de la #boulangerie.
— de Cabarrus Thierry (@tcabarrus) March 17, 2020
Un grand merci à tous ces parisiens venu sur Ré et Oleron, alors qu’on a déjà pas assez de matériel sur Rochefort et La Rochelle. Merci de nous mettre encore plus en danger, nous soignant, et de donner une chance en mois à tous ceux qui étaient là avant vous. Vraiment, merci.
— (@MarionBoyaval) March 18, 2020
Il est important de bloquer la fuite des Parisiens vers les provinces. Je vis sur l'île d'Oléron ( dp 17) entre La Rochelle et Bordeaux et je n'ai pas du tout envie de voir débarquer des " touristes porteurs de mort". Le terme peut choquer mais c'est la vérité. Cela est pour tous
— Malik TRALLIAM (@MalikTralliam) March 17, 2020
Dans le bassin d'Arcachon, un tag «Parigo home virus» a même été observé au Cap-Ferret.
Bassin d’Arcachon : un tag "Parigo home virus" au Cap-Ferret https://t.co/Lo6y1lTSld pic.twitter.com/q8ybFLG06o
— Sud Ouest Bordeaux (@SO_Bordeaux) March 17, 2020
Certaines autorités locales ont donc pris des mesures. Dans le Morbihan, la préfecture a décidé, à partir de mercredi 18 et jusqu'au 31 mars, d'interdire les locations d'hébergement dans quatre îles, dont Groix et Belle-Ile.
[#coronavirus #COVID19france]
Un arrêté préfectoral a été pris le mardi 17 mars par le préfet du Morbihan concernant la limitation des accès aux îles #Goix #BelleIle #Houat #Hoedic
Pour consulter l'arrêté > https://t.co/1KIYjGsw2i pic.twitter.com/UWUjRFXhWH— Préfet du Morbihan (@Prefet56) March 18, 2020
Pour la communauté de communes d'Oléron, le confinement devrait «se faire à son domicile (au sein de sa résidence principale) et non pas dans une résidence secondaire, une résidence de vacances ou celle de la famille élargie».
Là encore, Pascal Crépey cherche l'apaisement. Il insiste sur le fait que «si les personnes respectent les règles et restent confinées, ça ne changera rien qu'elles le fassent à Paris ou ailleurs».
«En confinement, pas en vacances»
Problème : Lionel Quillet, président de la communauté de communes de l'Ile de Ré, déplore justement le comportement de ses hôtes parisiens. «Les arrivants se sont rués sur les courses, il y a eu des tensions avec les locaux. Ensuite il faisait beau, ils ont pris les vélos pour se balader, il y a eu des activités nautiques», assure-t-il.
En conséquence, l'hôpital d'été de Saint-Martin-de-Ré a été réactivé et les liaisons cyclables de ville à ville ainsi que les sports nautiques ont été interdits.
«On est en confinement, pas en vacances» a rappelé Pascal Massicot, président de la communauté de commune d'Oléron.