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Notre-Dame de Paris : la gestion de la cathédrale avant et après l'incendie épinglée par la Cour des Comptes

Pierre Moscovici a évoqué «l'état préoccupant de la cathédrale» avant l'incendie. Pierre Moscovici a évoqué «l'état préoccupant de la cathédrale» avant l'incendie.[© Philippe LOPEZ / AFP]

Dans un rapport publié ce mercredi 30 septembre, la Cour des Comptes critique la «gestion complexe» de Notre-Dame de Paris avant l'incendie, pointant du doigt «l'état préoccupant de la cathédrale». Mais aussi après le sinistre avec un manque de transparence dans l'utilisation des dons.

En préambule d'une conférence de presse organisée rue Cambon, le président de la Cour des Comptes Pierre Moscovici a bien pris grade de rappeller que l'institution n'a pas «vocation à enquêter sur les causes et les responsabilités dans l'origine de l'incendie, [...] responsabilité qui revient au Parquet de Paris». Mais la juridiction financière pointe plusieurs failles dans la gestion de la cathédrale. Des potentiels manquements qui pourraient expliquer «l'état très préoccupant de la cathédrale dans les années précédant l'incendie» du 15 avril 2019.

«Un défaut d'entretien ancien»

«Les moyens consacrés à l'entretien et à la restauration du monument, sur le plan humain comme financier, étaient très limités, trop limités», a ainsi fait savoir Pierre Moscovici. L'ancien ministre de l'Economie et des Finances de François Hollande souligne même que «seulement un million d'euros était consacré chaque année à la restauration de la cathédrale» pendant plus de 15 ans, entre 2000 et 2016.

Et d'ajouter qu'en 2014 puis 2015, deux rapports établis successivement par deux architectes des monuments historiques faisaient déjà état d'«un besoin total de travaux» alors estimés à 87 millions d'euros. Ils alertaient même «sur la ruine presque irrémédiable de certains éléments de scuplture, remplacés par des artifices».

«Un sous-investissement massif» et «un défaut d'entretien ancien» selon Pierre Moscovici, notamment en ce qui concerne l'attention portée aux questions de sécurité dans la cathédrale, qu'il a jugé «très insuffisante». De fait, l'important programme de rénovation, lancé en 2016 pour une durée initiale de 10 ans, n'était donc pas à la hauteur de «l'état préoccupant de la cathédrale», selon lui. A l'époque, 58 millions d'euros seulement avaient été débloqués, afin de «traiter les réparations les plus urgentes».

manque de transparence dans l'utilisation des dons

Or l'incendie a empiré les choses, puisque le coût du chantier de sauvegarde est désormais «chiffré à 165 millions d'euros», à l'achèvement des travaux prévu en août 2021. Pour les financer, l'architecte en chef des Monuments historiques chargé des travaux devrait pouvoir compter sur 825 millions de dons collectés à l'issue de l'incendie du 15 avril. Leur origine : des centaines de milliers de généreux particuliers venus de 140 pays différents, mais aussi plusieurs entreprises mécènes.

Sauf qu'aujourd'hui, seuls «185 millions d'euros de dons ont été effectivement versés», alors que «640 millions d'euros constituent encore des promesses», explique Pierre Moscovici. Le président de la Cour des Comptes rappelle que «l'utilisation de ces fonds recueillis doit répondre à deux impératifs centraux [...] : l'information des donateurs d'une part et la transparence dans l'utilisation des fonds d'autres part». Et c'est justement sur ces deux points que «des marges de progrès existent», a-t-il souligné.

Ce dernier fait en effet état de «deux grandes faiblesses dans la transparence de l'utilisation des fonds recueillis» : sur les coûts de l'organisation de la collecte (envoi de courriers...) et la nature des dépenses financées par les dons (salaire, loyer et autres frais de fonctionnement classiques). Or, le gouvernement s'était engagé devant le Conseil d'Etat à ce que les opérations de collecte soient «assurées gratuitement par les organismes reconnus» (Fondation du patrimoine, Fondation Notre-Dame...). Engagement qui n'a pas été respecté, puisque 500.000 à 600.000 euros de frais de gestion ont été financés par les dons, pour certains organismes.

En outre, Pierre Moscovici n'hésite pas à taper sur les doigts de l'établissement public créé pour suivre les travaux de conservation et de conservation – présidé par le général Jean-Louis Georgelin – qui, selon la Cour des Comptes, finance la totalité de ses frais de fonctionnement par les dons. Et ce, alors que «la loi réserve exclusivement l'utilisation des fonds collectés aux travaux de conservation et de restauration». 

«Pour le dire autrement, nous ne sommes pas convaincus que les donateurs avaient pour objectif de financer des salaires et des loyers sans rapport direct avec le chantier», a ainsi conclu Pierre Moscovici. Il a également regretté que l'Etat, et plus particulièrement le ministère de la Culture, n'ait «pas engagé d'enquête administrative». Une réaction jugée «anormale» par la Cour des Comptes, «au vu de l'ampleur et de la gravité de l'événement».

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