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André Comte-Sponville sur la réforme des retraites : «Le gouvernement se trompe en fondant sa campagne sur le thème de la valeur travail»

Invité de La Matinale de CNEWS lundi 13 mars, André Comte-Sponville est revenu sur le sujet brûlant de la réforme des retraites. Le philosophe a discrédité l’argument avancé par l’exécutif concernant la valeur travail, qu’il définit comme une «valeur marchande» et non morale.

Une différence de point de vue. Invité de La Matinale de CNEWS ce lundi 13 mars, le philosophe André Comte-Sponville est revenu sur le sujet su moment : la réforme des retraites. L'auteur du «Petit Traité des grandes vertus» et de «L'Esprit de l'athéisme» a largement critiqué le projet de loi porté par le gouvernement, dont le texte a fait l’objet de mouvements successifs de grèves en France ces dernières semaines.

«Je comprends d’abord que les gens aient envie de partir à la retraite à l’âge de 62 ans. C’est pourquoi, à mon avis, le gouvernement se trompe en fondant sa campagne sur le thème de la valeur travail. J’ai souvent expliqué que le travail n’est pas une valeur morale, c’est une valeur marchande. Ce n’est pas une fin, c’est un moyen», a analysé le philosophe.

André Comte-Sponville a utilisé une comparaison pour discréditer l’argument de la valeur travail. «Si le travail était une valeur morale, plus on travaillerait, mieux ça vaudrait. Par exemple, la générosité est une valeur morale. Plus vous êtes généreux, mieux ça vaut. Il faudrait donc regretter, pour des raisons morales, le bon temps où la semaine de travail durait 72 heures au XIXe siècle. C’est évidemment une absurdité», a critiqué le conférencier.

L’éloge de la réduction du temps de travail

André Comte-Sponville a milité pour une baisse progressive du temps de travail en France. «La réduction du temps de travail est un progrès historique. C’est le sens de l’histoire. Si vous pouvez ne travailler que vingt heures par semaine, ce serait encore mieux. Pas du tout pour faire l’éloge de la paresse ou de l’oisiveté, mais pour profiter de la vie, de ses enfants, faire du sport, se cultiver, faire de la politique…», a affirmé l’enseignant agrégé.

Selon lui, la réforme des retraites a une portée économique mais elle ne reflète pas les envies des travailleurs. «Le travail n’est pas une valeur morale, arrêter de travailler plus tôt, c’est évidemment mieux pour presque tout le monde, sauf ceux qui font un métier particulièrement passionnant. La vraie question n’est pas morale, elle est économique. Est-ce qu’on a les moyens financiers de se payer une retraite à 60, 62 ou 64 ans ?», a insisté le philosophe sur CNEWS.

Des catastrophes à venir «plutôt écologiques que sociales»

Si ce sujet a cristallisé les tensions sociales ces dernières semaines, André Comte-Sponville a affirmé que l’écologie était le problème prioritaire en France et à une échelle plus large.

«J’ai envie de dire aux gens que ce n’est pas si grave. La France n’est pas en guerre civile. On n’est pas au bord d’une catastrophe. Les catastrophes qui nous menacent sont plutôt écologiques que sociales. Elles relèvent du dérèglement climatique davantage que de la question de savoir si on prend sa retraite à 60, 62 ou 64 ans», a relativisé le conférencier.

André Comte-Sponville a constaté que les Français ont toujours marqué plus fermement leur opposition sur des sujets sociétaux que leurs voisins, pourtant eux-aussi en pleine démocratie. Le philosophe s’est félicité de cette ouverture démocratique propre, jalousée selon lui dans de nombreux pays mondiaux.

«Le débat politique en France est toujours plus tendu que dans la plupart des autres démocraties comparables. Souvent, je le regrette et en même temps, c’est une chance de vivre dans un pays où on peut librement manifester contre le gouvernement. C’est une chance de vivre dans un pays où le gouvernement doit se battre pour obtenir une majorité au Parlement. Il y a des dizaines de pays qui adoreraient être dans notre situation», a nuancé l’essayiste.

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