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Fonds Marianne : ce qu’il faut retenir de l’audition de Marlène Schiappa devant le Sénat

L'actuelle secrétaire d'Etat à l'Economie sociale et solidaire Marlène Schiappa a été questionnée ce mercredi 14 juin par une commission d'enquête du Sénat, qui tente de faire la lumière sur le gestion controversée du «Fonds Marianne» lancé en 2021 pour lutter contre le «séparatisme».

Marlène Schiappa face à la commission d'enquête du Sénat. L'actuelle secrétaire d'Etat à l'Economie sociale et solidaire était sommée, ce mercredi, de s'expliquer sur la gestion controversée du «Fonds Marianne» qu'elle a mis en place en 2021 pour lutter contre le «séparatisme».

Alors ministre déléguée à la Citoyenneté, au ministère de l'Intérieur, Marlène Schiappa avait annoncé, le 20 avril 2021, le lancement de ce fonds, initialement doté de 2,5 millions d'euros, six mois après l'assassinat de Samuel Paty. Il visait à financer des associations défendant «les valeurs de la République» en apportant, sur les réseaux sociaux, des «contre-discours» à l'islam radical.

Mais selon des enquêtes de France 2 et du journal Marianne, l'argent a surtout servi à rémunérer des responsables associatifs pour des sommes jugées pas en adéquation avec le travail fourni. Un rapport accablant de l'Inspection générale de l'administration (IGA) a également provoqué la démission de Christian Gravel, patron du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR) chargé du pilotage du Fonds Marianne.

Auditionnée pendant plus de trois heures, souvent poussée dans ses retranchements par les sénateurs, Marlène Schiappa a dû répondre, entre autres, aux soupçons d'ingérence dans le processus de sélection des associations qui ont bénéficié de l'argent du Fonds. 

Pas de favoritisme envers Mohamed Sifaoui

La ministre est-elle intervenue d'une manière ou d'une autre dans le processus de sélection des 17 associations lauréates ? Et notamment auprès de l'Union des sociétés d'éducation physique et de préparation militaire (USEPPM), principale association bénéficiaire (355.000 euros prévus), dont l'essayiste Mohamed Sifaoui était l'un des deux responsables ?

Au fil des auditions au Sénat, plusieurs témoignages ont en effet montré que celui-ci a été reçu à plusieurs reprises, avant-même le lancement du fonds, au cabinet de la ministre. Et mi-avril, Mohamed Sifaoui, avait assuré qu'il avait été encouragé à postuler «par les membres du cabinet de Mme Schiappa et par elle-même».

«Je suis formelle (...) je n’ai à aucune moment demandé ou passé commande à ce que M. Sifaoui soit priorisé ou mis au-dessus de la pile. Je n’avais aucune raison de le faire et je ne l’ai pas fait», répond-elle, ajoutant qu'«au demeurant ce dossier était soutenu par l’administration», sous-entendu par le CIPDR.

Sur son degré de proximité avec cet expert médiatique de l'islam radical, Marlène Schiappa insiste : «Nous ne sommes pas amis, nous n'avons pas d'intérêt commun avec telle ou telle organisation», «je n'ai aucune relation personnelle d'aucune sorte avec lui».

Pendant ce temps, Mohamed Sifaoui était entendu, dans le cadre d'une enquête sur des soupçons de détournement de fonds publics, par les enquêteurs de l'Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF). Son domicile avait été perquisitionné la veille.

un «avis négatif» donné sur SOS Racisme

Sébastien Jallet, l'ex-directeur de cabinet de Mme Schiappa, a révélé mercredi dernier que la ministre était en tout état de cause intervenue pour écarter une association pourtant validée par le comité de sélection, sans dévoiler son nom. Il s'agit de SOS Racisme, a révélé son président Dominique Sopo, lequel avait présenté une demande de subvention de 100.000 euros.

«Comme le comité de sélection avait déjà eu lieu et comme vous aviez dit que vous vous rangeriez à son avis, vous n'aviez pas à donner un avis sur les associations déjà sélectionnées», a pointé le président de la commission sénatoriale, Claude Raynal (PS), ce mercredi.

Marlène Schiappa a répondu en reconnaissant avoir donné un «avis négatif» sur le projet de SOS Racisme, tout en précisant : «Je ne m'immisce pas dans le comité de sélection, on est venu requérir un arbitrage ministériel».

«aucune implication personnelle» dans le dossier

Ciblée par les nombreuses questions de la commission d'enquête, Marlène Schiappa a pris soin d'établir une frontière entre son propre cabinet et le CIPDR dans le lancement et le suivi du Fonds Marianne. L'ex-ministre de la Citoyenneté a ainsi indiqué qu'elle n'avait «aucune implication personnelle» et qu'elle n'assumait dans ce dossier qu’une «responsabilité politique».

Une prise de distance qui a étonné les sénateurs. Le rapporteur Jean-François Husson (LR) a ainsi pointé l'écart entre la forte communication qui a entouré le lancement du Fonds et le faible suivi de celui-ci. «Au moment de la création du fonds, vous le validez, puis vous vous tenez à nouveau à distance. Vous ne vous [y] intéressez pas», a-t-il souligné.

«Du début à la fin on a l’impression que le projet est lancé, mais qu’après cela, tout le reste ne vous concerne pas», s'est également étonné Claude Raynal.

Marlène Schiappa a concédé qu'il y a «eu des dysfonctionnements dans l'organisation et dans la gestion» de ce fonds. Avant de minimiser : «Je ne crois pas qu’on puisse imputer à (...) un responsable politique la malversation interne d’une structure à laquelle il fait confiance».

la commission d'enquête peu convaincue

Sous le feu des questions des sénateurs, Marlène Schiappa a semblé à l'aise avec le dossier, sans toutefois parvenir à convaincre son audience.

«C'est extraordinaire ce que vous dites!», «C'est mieux de le dire (...) au lieu de tourner autour !», «On ne distribue pas de l’argent public sans faire un petit rapport (... ), là il n'y a rien de rien de rien», «continuez-vous vraiment à dénier toute responsabilité dans ce fiasco ?», a-t-on par exemple pu entendre de la bouche du rapporteur et du président de la commission d'enquête.

«Vous avez fait naître une idée, un concept politique» avec un «puissant temps de communication (...) et derrière vous nous dites : "c'est l'administration"», a déploré Claude Raynal. «Quand je lis que la famille Paty refuse de lier son nom de famille au fonds Marianne (...) ça me fait mal», a appuyé le sénateur.

Sur LCP, Jean-François Husson a lui regretté «beaucoup d'évitement et de circonvolutions» de la part de la secrétaire d'Etat. Et même «une attitude de défausse».

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