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Pornocriminalité : «L’industrie pornographique bénéficie de beaucoup de liberté d’action», selon la ministre Bérangère Couillard

L'un des objectifs du gouvernement est de «mieux appliquer la loi et requalifier des violences faites aux femmes dans l’industrie pornographique afin qu’elles soient reconnues comme telles», selon Bérangère Couillard. [JOEL SAGET / AFP]

Après s'être vu remettre le rapport du Haut Conseil à l'Egalité entre les femmes et les hommes sur la pornocriminalité, Bérangère Couillard, ministre chargée de l'Egalité entre les femmes et les hommes, présente à CNEWS le plan du gouvernement à ce sujet.

«Culture du viol, déshumanisation des femmes, pédocriminalité» : dans un rapport choc publié mercredi 27 septembre, le Haut Conseil à l'Egalité entre les femmes et les hommes (HCE) dénonce les actes «illégaux» de «torture» commis dans l'industrie pornographique. En réaction, la ministre chargée de l'Egalité entre les femmes et les hommes, Bérangère Couillard, explique à CNEWS comment le gouvernement se saisit de cette problématique.

Lorsque le rapport du HCE lui a été remis ce mercredi, la ministre a annoncé la création d'un groupe de travail dédié, impliquant les ministères de l'Intérieur, de la Justice, du Travail, de la Culture et du Numérique.

Selon elle, une «réflexion approfondie» sera menée sur trois thèmes : «le respect du droit du travail» dans l'industrie pornographique, «le retrait des contenus comprenant des tortures et actes de barbarie» et la «suppression des contenus pour les victimes de l’industrie pornographique qui le souhaitent». Les conclusions seront remises au «printemps 2024».

Comment expliquer que des milliers de vidéos pornographiques montrant des actes punis par la loi circulent en ligne ? Comment le partage de contenu pornographique est-il encadré par la loi française ?

Il est interdit de capter et diffuser un crime et certains délits. Certains contenus sont donc déjà interdits par la loi et peuvent faire l’objet de signalements. La représentation de scènes est en revanche autorisée.

Il s’agit donc de mieux appliquer la loi et requalifier des violences faites aux femmes dans l’industrie pornographique afin qu’elles soient reconnues comme telles. C’est l'un des objectifs du groupe de travail annoncé mercredi.

Est-ce que l’industrie pornographique bénéficie d’une «zone de non droit» comme le dit le HCE ?

Au nom de l’expression artistique, l’industrie pornographique bénéficie de beaucoup de liberté d’action. Là où dans la production cinématographique les actes sont simulés, les violences sont en grande majorité réelles dans la pornographie.

C’est pour cela que j’ai souhaité me saisir de ce sujet dès mon arrivée au poste de ministre chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations. Le combat contre les violences faites aux femmes dans l’industrie pornographique est d’ailleurs mentionné dans ma feuille de route.

La volonté du gouvernement est la même depuis 2017. Le président de la République a fait de la lutte contre les violences faites aux femmes le premier pilier de la Grande Cause de ses quinquennats.

Qu’envisage le gouvernement pour lutter contre l'exposition des mineurs à la pornographie ?

Le gouvernement se saisit de la question de l’accès des mineurs aux contenus pornographiques à travers le projet de loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique porté par mon collègue Jean-Noël Barrot. C'est un texte ambitieux qui a pour objectif premier la protection des Français dans l'espace numérique.

Les violences sont en grande majorité réelles dans la pornographieBérangère Couillard, ministre chargée de l'Egalité entre les femmes et les hommes

Dans la continuité de la loi que j’ai portée en 2020, il prévoit le blocage, le déréférencement et des amendes dissuasives prononcées par l’Arcom (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, ndlr). Dans le même temps, il sanctionne, avec une peine d'un an d'emprisonnement et 250.000 euros d'amende, les hébergeurs qui ne retirent pas dans les vingt-quatre heures les contenus pédopornographiques qui leur sont signalés par la police et la gendarmerie.

Un test réalisé par le HCE a montré l’incapacité de Pharos, la plate-forme du ministère de l'Intérieur, à faire disparaître les contenus pornographiques violents : faut-il développer de nouveaux outils ? 

Je suis convaincue de la nécessité de trouver une solution pour retirer les contenus dans lesquels les femmes ont été violentées et dans lesquels elles sont victimes. La jurisprudence du Conseil constitutionnel sur les atteintes à la liberté d’expression nous oblige à prendre le temps d’expertiser la faisabilité et les modalités d’une solution pour les retraits de ces contenus.

C’est l’un des axes fort du groupe de travail interministériel que j’ai annoncé. En l’état, la proposition faite par le HCE présente des risques d’inconstitutionnalité très forts (le HCE demande d'étendre les compétences de Pharos, pour lui permettre de «retirer ou bloquer» «toutes les atteintes volontaires graves à l’intégrité de la personne» listées dans le code pénal, ndlr).

Le HCE souligne la nécessité de garantir les trois séances à l’éducation sexuelle et affective dans les écoles, notamment pour y inclure une critique de la pornographie : où en est le gouvernement sur ce dossier ?

Le Conseil supérieur des programmes a été saisi le 23 juin 2023 par le ministre de l’Education nationale et de la Jeunesse afin d’élaborer d’ici à la fin du mois de novembre une proposition de programme d’éducation à la sexualité, précisant les thèmes et notions qui devront être abordés dans le cadre de ces enseignements.

Je suis en lien étroit avec mon collègue sur ce sujet qui lui tient tout autant à cœur que moi. La prévention des violences physiques et sexuelles à l’école est une promesse de campagne du président de la République. Dans ce cadre, la prévention liée à la pornographie et à la prostitution font tout à fait sens. Je peux d’ores et déjà vous dire qu’une attention particulière est portée à l’éducation au respect de l’intimité et de l'intégrité corporelle, pour prévenir toute forme de maltraitance et de violence.

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