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Colère des agriculteurs : qu'est ce que le Mercosur et pourquoi l'accord avec l'UE est-il contesté ?

Le président français, Emmanuel Macron a reçu le président du Brésil, Lula, en juin 2023, pour évoquer l'avenir de l'accord entre l'UE et le Mercosur. [Ludovic MARIN / AFP]

Le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, a promis ce mercredi que la France s'engagerait dans un «bras de fer» lors des négociations à Bruxelles pour que l'accord UE-Mercosur «tel qu'il est aujourd'hui ne soit pas signé». Mais qu'est-ce que le Mercosur et pourquoi le partenariat avec l'UE est-il contesté ?

Plus connu sous son acronyme Mercosur (abréviation de l’espagnol «Mercado Común del Sur»), le Marché commun du Sud est une alliance économique et politique majeure fondée en 1991 par le Traité d'Asunción, qui rassemble plusieurs pays d'Amérique du Sud. L'Argentine, le Brésil, le Paraguay, et l'Uruguay en sont les membres permanents, tandis que d'autres pays du continent y ont ensuite été associés, tels que la Bolivie, le Chili, la Colombie, l’Équateur, Guyana, le Pérou et le Suriname. En 2006, le Venezuela est devenu membre permanent avant d’être suspendu en décembre 2017 pour «non-respect de la charte de son marché commun».

L’objectif initial de cette zone de libre-échange est le développement économique de ses pays membres, notamment à travers la libre circulation des biens, des personnes, et des capitaux entre les pays, ainsi que la suppression des droits de douane. Les échanges sont aussi favorisés par l’établissement d’un tarif extérieur et d’une politique commerciale commune vis-à-vis des États ou alliances d'États tiers. 

Le Mercosur est le troisième bloc économique mondial en termes de volume d'échanges, précédé de l’ACEUM (accord entre les États-Unis, le Canada et le Mexique) et de l’Union européenne. L’alliance économique rassemble plus de 82% du PIB total de l’Amérique du Sud. Le Brésil représente 55% du PIB de la zone. Elle représente un marché cumulé de plus de 295 millions de personnes et un produit intérieur brut (PIB) combiné dépassant 2.700 milliards de dollars, ce qui en fait l'une des principales zones économiques du monde. Mais l'impact du Mercosur va au-delà de ses frontières, notamment avec des accords commerciaux, dont des négociations historiques avec l'Union européenne. 

Un accord avec l'Union européenne

Fruit d’une négociation longue de près de vingt ans, l’entente UE-Mercosur est l’un des accords commerciaux les plus importants du monde, avec près de 780 millions de personnes concernées et des volumes d’échanges compris entre 40 et 45 milliards d’euros d’importations et d’exportations. Les négociations - commencées en 2000 - ont abouti politiquement en 2019 à la signature d’un protocole d’accord. Mais l’opposition de plusieurs pays, dont la France, a bloqué son adoption définitive, défendue en revanche par l’Allemagne. Certains termes de l’accord font notamment l’objet d’un fort rejet de la part des agriculteurs français.  

Concrètement, l’accord prévoit de supprimer intégralement ou partiellement, en fonction des produits, les droits de douane entre les pays membres de l’UE et du Mercosur, notamment sur les questions industrielles (véhicules, médicaments...) et agricoles. Principal point de crispation : la question alimentaire. L’accord prévoit d’instaurer des quotas en dessous desquels les produits sud-américains ne seraient pas taxés : 180.000 tonnes par an pour le sucre, 100.000 tonnes pour les volailles et 99.000 tonnes pour le bœuf. La liste complète inclut également de la viande porcine (25.000 tonnes par an) ou encore du riz (60.000 tonnes par an).

En échange, des taxes imposées aux produits européens par le Mercosur seraient supprimées sur de nombreux produits : le vin, le chocolat, les biscuits, les boissons gazeuses ou encore les spiritueux. Les produits laitiers ainsi que les fromages produits au sein de l’UE seraient quant à eux concernés par des «larges quotas» sans taxes. 

«Une concurrence déloyale» 

Les grands syndicats d’agriculteurs dénoncent une «concurrence déloyale» des grandes exploitations sud-américaines. Dès 2018, l’ancienne présidente de la FNSEA - principal syndicat d’agriculteurs - Christiane Lambert, s’inquiétait du projet d’accord UE-Mercosur. «30 000 élevages sont en péril et quatre filières sont concernées : l’éthanol, le sucre, la filière bovine et la volaille», expliquait-elle à l'époque.

Les agriculteurs réclament également que les produits importés soient soumis aux mêmes normes que les produits français. Fin 2023, les interprofessions françaises du sucre, de la volaille, des céréales et de la viande ont regretté l’absence de «clauses miroirs» sur les «normes de production environnementales et sanitaires». Ces derniers craignent donc que le marché européen soit inondé de produits ne respectant pas les normes européennes, comme les maïs OGM ou le «poulet dopé aux antibiotiques».

«Un bras de fer» français contre l'accord

Invité de la Grande Interview sur CNEWS, le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, a promis un «bras de fer» pour que l’accord commercial UE-Mercosur ne soit pas signé, alors que la France est secouée depuis bientôt deux semaines par des mobilisations d'agriculteurs en colère. «Il y aura un bras de fer, et la France fera tout le nécessaire pour que le Mercosur, tel qu’il est aujourd’hui, ne soit pas signé», a-t-il affirmé, ajoutant que «quand la France veut quelque chose en Europe, elle a suffisamment de poids pour l’imposer».

«C’est ce que fait le président de la République. C’est uniquement grâce à lui que cet accord n’est pas signé aujourd’hui. Cet accord n’est pas bon pour nos éleveurs. Il ne peut pas et ne doit pas être signé en l’état. Il ne le sera pas», a poursuivi le locataire de Bercy. 

Vendredi, Gabriel Attal avait déjà martelé son opposition «très claire» à la signature de cet accord. Dans la foulée, Emmanuel Macron avait soutenu son Premier ministre en confirmant sa position et en rappelant qu’il avait suspendu la signature de cet accord commercial en août 2019. Le président de la République avait notamment dénoncé le «mensonge» du président brésilien de l’époque Jair Bolsonaro sur l’environnement et son «inaction face au changement climatique, y compris sur les incendies». Même position l’année suivante, face au problème «majeur» de la déforestation.

L'europe poursuit les négociations

Les conditions d’un accord entre le Mercosur et l’UE «ne sont pas réunies», a également confirmé la Commission européenne ce mardi, par l'intermédiaire de son porte-parole Éric Mamer. Mais «les discussions continuent et l’Union européenne poursuit son objectif d’atteindre un accord qui respecte les objectifs de l’UE en matière de durabilité et qui respecte nos sensibilités notamment dans le domaine agricole», a-t-il précisé.

Des pourparlers entre négociateurs de l’UE et du Mercosur ont eu lieu la semaine dernière au Brésil, et des «discussions au niveau technique vont continuer», a ajouté Éric Mamer.

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