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Le semaine de Philippe Labro : Un homme neuf au pouvoir, un vieil homme à la barre

Avec l’élection dEmmanuel Macron, mesurons-nous que ce moment unique a surpris, étonné, épaté les trois quarts de la planète ?[Patrick KOVARIK / AFP]

Philippe Labro est écrivain, cinéaste et journaliste. Chaque vendredi, pour Direct Matin, il commente ce qu'il a vu, vécu et observé pendant la semaine. Un bloc-notes subjectif et libre.

MARDI 9 MAI

Les «news» – c’est-à-dire, tout simplement, les magazines hebdomadaires d’actualité – sont tous sortis quelques jours plus tôt que d’habitude pour saluer la victoire d’Emmanuel Macron. Il y a du Macron partout, ce matin, sur les couvertures du Point, de L’Express, de Paris-Match, de L’Obs et tant d’autres. L’amusant, c’est le choix des portraits : il y a le souriant, le sérieux, le grave, le réfléchi. Tout ceci est normal, mais l’intérêt, c’est que cette occupation du terrain médiatique par le huitième et plus jeune président de la République ne s’arrête pas à notre propre pays. Mesure-t-on vraiment, en France, l’impact mondial de cet événement ? Mesurons-nous que ce moment unique a surpris, étonné, épaté les trois quarts de la planète ?

Pour ma part, sans avoir à me fier à la presse étrangère qui, partout, salue l’incroyable performance de cet incroyable homme jeune (arrêtons de le qualifier de «jeune homme» – on n’est plus un «jeune homme» à 39 ans, on entre en plein dans la maturité –), je préfère rapporter quelques réactions d’amis et relations, en particulier des Américains. D’abord, ils me félicitent – comme si j’y étais pour quelque chose, mais, naturellement, à travers moi, ils veulent parler des Français. «Bravo, disent-ils, avec une unanimité impressionnante. Vous avez démontré qu’on pouvait faire barrage au populisme. Après le Brexit et Trump, nous nous attendions au même phénomène chez vous. Notre presse était dubitative et éditorialisait beaucoup plus sur le FN et Marine Le Pen que sur Macron – ils n’ont pas vu arriver l’exploit. Surtout, votre pays, qui nous est souvent apparu, en matière de politique, attaché aux traditions, aux figures connues, à l’idée que l’on ne peut accéder au pouvoir suprême que si l’on a déjà, au moins, vingt ou trente ans d’expérience, ce pays ancien, tenté par la résignation et la morosité, est capable d’élire quelqu’un qui ne correspond en rien aux rites et aux routines attendus. A votre manière, vous avez accompli une sorte de révolution. Nous allons vous regarder autrement désormais.»

Ce concert d’éloges, venu de l’étranger, est déjà suivi, ici, d’un son de cloche différent : «Ça va être difficile, impossible, le pays est trop divisé.» Macron dit lui-même avec lucidité : «Il n’y aura aucun état de grâce.» Certes, mais, pour une journée, en ce mardi 9 mai, que les critiques aient l’honnêteté d’admettre avoir assisté à la victoire de l’audace, du sang-froid, de la parfaite analyse d’un paysage politique, de la volonté, de l’envie, du jugement.

VENDREDI 12 MAI

Je ne cesse de voir apparaître le nom d’Hemingway ces temps-ci. Mon «maître» en écriture n’a jamais été autant relu, réédité. Deux Folio viennent de paraître, contenant ses plus belles nouvelles : Un chat sous la pluie et Les aventures de Nick Adams. Je veux surtout signaler que Le vieil homme et la mer bénéficie – enfin ! –, d’une nouvelle traduction. Non que la précédente fût mauvaise, mais celle-ci relève de la pureté du diamant. Nous la devons à Philippe Jaworski, qui a, déjà, pour La Pléiade, conduit les traductions et publications de Francis Scott Fitzgerald, Mark Twain, Jack London et autres. Cet universitaire peu connu du grand public a réussi, avec The Old Man and the Sea, à restituer la prose lente, solennelle, subtilement ouvragée du grand Ernest. Je vous cite une phrase, au hasard : «Chaque fois était une première fois et il ne pensait jamais au passé quand il était engagé dans l’action.» Tiens, tiens…

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