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Niger : comment la lutte contre les jihadistes est bouleversée par le coup d'Etat

Avec Abdourahamane Tiani comme chef de la garde présidentielle, le Niger est en passe de tomber sous la coupe d'un régime militaire qui pourrait bouleverser la lutte contre les groupes armés jihadistes au Sahel.

Au Sahel, la lutte contre les jihadistes est bouleversée par les coups d’Etats. Et le «Niger, qui passait pour un pays stable, a montré sa fragilité», a souligné ce samedi pour CNEWS, Bakari Sambé, le chercheur et directeur du Timbuktu Institute. Mercredi, le président du Niger, Mohamed Bazoum, a été renversé par des militaires putschistes dont le chef de la garde présidentielle est Abdourahamane Tiani, un homme de 59 ans, «à poigne». 

«On ne le connaît pas beaucoup en dehors des milieux militaires, il n’a pas de présence publique affichée. C’est un homme de l’ombre, puissant, mais pas une figure très consensuelle,» décrit Ibrahim Yahaya Ibrahim, chercheur pour International crisis group.

Face à l'avancée des jihadistes, les juntes ont donc pris le pas sur des démocraties jugées inefficaces et corrompues. Les militaires au pouvoir ont déjà annoncé une nouvelle orientation stratégique, «soutenus par une frange de la population qui a déjà manifesté une attitude hostile à l'égard de la présence française ou occidentale au Sahel,» explique le chercheur.

«L'approche sécuritaire actuelle n'a pas permis de sécuriser le pays en dépit de lourds sacrifices consentis par les Nigériens», a déclaré le général Tiani dans son premier discours, lu jeudi à la télévision nationale.  

«Bordé par le chaos»

Le Niger subit un afflux de réfugiés venus du Mali et du Nigeria en proie aux violences, estimés à 255.000 en 2022 par Haut Commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR). Et pour cause, le Niger «est bordé par le chaos libyen, le Nigeria avec Boko Haram et ISWAP, le nord du Bénin très fortement touché par le jihadisme et évidemment le Mali et le Burkina Faso. C'était un pôle de stabilité malgré des problèmes sécuritaires sur le territoire », rappelle Alain Antil, chercheur et le directeur du Centre Afrique Subsaharienne de l'Ifri.  

Avant mercredi, le Niger et son président issu des urnes, Mohamed Bazoum, principal allié des pays occidentaux au Sahel, faisaient figure d'exception dans une bande sahélienne balayée par les violences des groupes armés et par une vague d'autoritarisme teinté de souverainisme russophile.

Le général Tiani, originaire de Filingué, une zone très aride et enclavée, à quelques 200 km au nord-est de Niamey, dans la région de Tillabéri, théâtre d'attaques des groupes jihadistes depuis des années, a dénoncé dans son allocution de jeudi la « libération extrajudiciaire » de « chefs terroristes » par le régime de Mohamed Bazoum.

Suspension des aides de la part de l'UE 

Au Mali et au Burkina Faso, les militaires au pouvoir ont opté pour une stratégie ultra offensive contre les groupes jihadistes, entachée d'accusations d'exactions récurrentes contre les populations. 

«Ce sont les civils qui paient le prix le plus lourd d'une telle stratégie, ce qui contribue à la déstabilisation, et peut alimenter les tensions inter et intra communautaires», prévient Tatiana Smirnova, chercheure associée au Sahel Research Group.

Du côté des partenaires occidentaux, les perspectives sont plus sombres. L'Union européenne a annoncé la suspension de tout aide budgétaire et des actions de coopération dans le domaine sécuritaire. 

Des sanctions internationales pourraient frapper le régime comme au Mali voisin. Un éventuel départ des forces françaises et américaines laisserait un vide dans une région particulièrement troublée, selon les analystes.

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