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Le "millefeuille administratif" français

La façade d'une mairie en France [Pascal Pavani / AFP/Archives] La façade d'une mairie en France [Pascal Pavani / AFP/Archives]

Communes, groupements de communes, départements, syndicats mixtes... L'organisation administrative française, sur laquelle se penchent pendant deux jours les états généraux de la démocratie territoriale, est source de proximité avec les citoyens mais aussi de complexité et de gaspillages.

C'est ce qu'on appelle "le millefeuille administratif": le pays compte 37.000 communes (une spécialité française, c'est quatre fois plus qu'en Allemagne et en Italie), environ 35.000 groupements de communes -"communautés de communes" le plus souvent-, 101 départements et 26 régions, 371 "pays" en milieu rural, mais aussi 16.000 syndicats intercommunaux, souvent spécialisés (eau potable, ordures ménagères, etc.).

Mais le mot de "millefeuille" hérisse bien des élus -525.000, des bénévoles pour la plupart, soit un élu pour 125 habitants- et chacun se renvoie la balle. "Ce n'est pas notre tranche du millefeuille qui ne fonctionne pas, c'est celle de l'Etat", assène le centriste Patrick Weiten, président du conseil général de Moselle.

Le problème, c'est que chaque échelon exerce "une compétence générale" et peut agir dans tout domaine "d'intérêt local". Régions, départements, bourgades financent souvent ensemble routes, autoroutes et lignes ferroviaires à grande vitesse. Toutes les collectivités territoriales versent des subventions aux associations sportives et aux entreprises.

Pour l'aménagement et l'environnement, les communes paient 8,6 milliards d'euros, les départements 2,6 milliards, les régions 1,9 milliard, selon un rapport parlementaire de 2008. Sans parler de "Paris", l'Etat central, qui, impécunieux, leur "tend la sébile" tout en participant. "On doublonne partout", déplore le sénateur Yves Krattinger (Haute-Saône).

S'ensuivent des délais anormaux entre la décision de lancer un projet et son exécution (cinq ans ne sont pas rares), un "manque de lisibilité" et une "difficulté à maîtriser la dépense publique locale", s'alarmait le rapport Balladur (2009).

Des efforts de rationalisation ont certes été entrepris. Sur le papier, la loi Chevènement de 1999 a mutualisé les moyens, l'intercommunalité couvrant aujourd'hui 96% des communes, d'après le ministère de l'Intérieur.

Dans les faits, critiquait le rapport Balladur, cela a "accentué l'enchevêtrement des compétences". Autres résultats: une inflation des effectifs (+ 221% de 1998 à 2008, selon le député PS René Dosière), une progression presque deux fois plus rapide des dépenses que la richesse nationale, un alourdissement de la fiscalité locale.

Sur les 143 milliards d'euros dépensés par le "bloc communal" (communes et regroupements), on pourrait en économiser 15, affirme M. Dosière. Le chiffre a fait grand bruit, même si le député de l'Aisne n'a pas dit comment il avait compté.

"Attaques infondées et démagogiques", a répliqué le président de l'Association des maires de France, l'UMP Jacques Pélissard. En 2009, affirme-t-il en citant notamment l'Insee, les effectifs du bloc communal se sont stabilisés et les derniers chiffres montrent une diminution des recrutements en 2011.

Coprésident de l'institut de la décentralisation, Jean-Pierre Balligand (PS) reconnaît un problème. Dans la Thiérache centre (limite de la Picardie et de l'Avesnois) qu'il préside, "combien de communes ont baissé leurs impôts malgré le transfert du coût du traitement des ordures ménagères à la communauté de communes?".

Mais ce n'est pas si simple, explique-t-il. "Ce qui coûte très cher, ce sont les néo-ruraux, qui quittent les villes pour s'installer à la périphérie mais demandent les mêmes services: crèches, centres de loisirs, etc.".

Bruno Sido (UMP), qui préside le conseil général de la Haute-Marne, "ne met pas les communautés de communes dans le millefeuille". "Le vrai problème" est ailleurs, et réside dans un trop grand nombre de régions qui, du coup, tendent à "cantonaliser leur action", mordant sur celle des conseils généraux, "au lieu de regarder vers l'Europe".

"La logique politique conduit les élus à rechercher un champ d'action le plus large possible. Nous sommes dans un système profondément libertaire. Il n'y a aucun autorité organisatrice" du qui fait quoi, résume M. Balligand.

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