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La semaine de Philippe Labro : les onze ont la parole, la télé a le dernier mot

Le «débat des onze» (Philippe Poutou a refusé de poser sur la photo) a permis à certains de se montrer particulièrement éloquents. [Lionel BONAVENTURE / POOL / AFP]

Philippe Labro est écrivain, cinéaste et journaliste. Chaque vendredi, pour Direct Matin, il commente ce qu'il a vu, vécu et observé pendant la semaine. Un bloc-notes subjectif et libre.

MERCREDI 5 AVRIL

Ce que l’on n’a peut-être pas encore dit au lendemain du «débat des onze», diffusé sur CNEWS et BFMTV (énorme succès d’audience). Ce que j’ai noté, de 20h40 à minuit :

1) Le mot «burn out» a été prononcé plus de cinq fois par Benoît Hamon. Ce terme, issu de l’«anglomania», signifie que l’on est cramé, brûlé, épuisé, et donc au bord de la dépression. Les Français vivent-ils un «burn out» ? C’est une question.

2) Les infirmières ont, elles aussi, été très fréquemment mentionnées. A cha­que fois qu’un ou une candidat(e) veut stigmatiser l’injustice salariale, on prend pour exemple la mission de service public la plus valeureuse en faisant appel aux infirmières. C’est normal. Elles sont, à mes yeux, la part la plus admirable de notre pays au travail.

3) Certaines phrases ne sont pas toutes relevées par la presse, comme «les turpitudes de la caste dorée», signée Mélenchon – au passage, il a été le plus talentueux dans le discours. De même, «un tsunami financier s’annonce» (Cheminade). Ainsi que l’envoi final de Hamon, qui sonnait presque comme une tirade du Cyrano d’Edmond Rostand, quand le candidat s’adressait aux Français en les définissant dans leur diversité : «Vous, les Auvergnats ; vous, les Bretons d’Armor et d’Arvor ; vous, les Catalans ; vous, les Occitans […] ; vous qui choyez la littérature de Pagnol ou de Chateaubriand ; vous qui venez peut-être des rives du fleuve Sénégal ; vous qui avez laissé derrière vous les odeurs du jasmin d’Alger ; vous êtes la France, avec toutes vos différences [… ]». J’ai regretté que, le soir, «après le match», si j’ose dire, sur les plateaux respectifs de CNEWS et BFMTV, aucun expert n’ait relevé ce morceau d’éloquence.

4) Quant à Poutou, ce qui m’intéresse, c’est la force de sa formule «pas d’immunité ouvrière». L’avait-il en réserve ? L’avait-il écrite (il regardait souvent ses notes) ou bien a-t-il improvisé dans l’instant ? Il y avait, chez cet homme que plus personne, aujourd’hui, une caricature, une liberté totale de langage qui, naturellement, contrastait avec la langue de bois ou technocratique. Il parlait «sans cravate».

5) J’ai entendu, au moins cinq fois, la phrase «n’ayez pas peur».

6) S’il n’est peut-être pas ressorti un seul vainqueur de ces joutes, de ces échanges, qui permirent de mieux comprendre qui étaient donc ces neuf hommes et ces deux femmes (pas assez de femmes ; ce sera pour la prochaine fois), le véritable gagnant, c’est la télévision. La TNT en particulier.

C’est la télévision qui a obtenu, après négociation avec les onze candidats, la durée de leur intervention, la position debout, l’organisation des thèmes, la coupure publicitaire. Le réalisateur, Jérôme Revon, est l’un des plus talentueux du monde de la télé. Il a utilisé, avec objectivité et instinct, les plans de coupe sur les visages de ceux qui écoutent pendant qu’un autre parle. Les yeux de Macron, la tête baissée de Fillon, la vigueur (style Arlette Laguiller) d’Arthaud, l’impassibilité suivie d’inspiration du tribun Mélenchon, les lèvres pincées de Le Pen, le débraillé de Poutou, les mimiques pyrénéennes du «berger» Lassalle. Quel spectacle ! Quelle démonstration : les caméras parviennent toujours à démasquer la vérité, le mensonge, la colère rentrée et retenue, le fou rire contenu, la haine, le mépris, toutes les couleurs de l’arc-en-ciel. Ce show fut une réussite – même s’il n’a guère fait changer nos opinions, il a confirmé notre passion pour la politique. 6,3 millions de téléspectateurs : un score de Ligue des champions.

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