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Vincent Collet : «Les débuts de Frank Ntilikina en NBA sont intéressants»

Vincent Collet se dit encouragé par les débuts de Frank Ntilikina en NBA. [JEAN-SEBASTIEN EVRARD / AFP]

Ancien coach de Frank Ntilikina à Strasbourg, Vincent Collet, qui est aussi le sélectionneur de l’équipe de France de basket, nous a livré ses premières impressions sur les débuts du joueur aux New York Knicks.

Pour le coach de l’équipe de France, le simple fait de voir Frank Ntilikina disposer d’un temps de jeu régulier est un bon signe. Ses belles performances en défense et dans l’organisation du jeu aussi. Mais comme certains observateurs l’ont déjà pointé avant lui, Vincent Collet sait que le joueur a encore beaucoup de progrès à faire pour s’imposer au plus haut niveau. Une chose tout à fait normale pour un jeune homme de 19 ans.  

Quelles sont vos premières impressions sur les premiers pas de Frank Ntilikina en NBA ?

Cela me semble correct, même si, très sincèrement, je n’ai pas eu l’occasion de voir grand-chose. J’ai vu le premier match, et après cela, seulement quelques extraits. Le fait qu’il joue régulièrement, et qu’il fasse des choses sur le terrain, tout cela va plutôt dans le bon sens.

Ses qualités défensives sautent immédiatement aux yeux, notamment son sens du placement et sa bonne compréhension des rotations défensives. Des compétences que beaucoup de jeunes joueurs NBA ont du mal à maîtriser. Il est également très appliqué quand il s’agit de conduire le plan d’attaque de l’équipe. Comment expliquez-vous cette maturité ?

Cela ne me surprend pas. Il était déjà un excellent défenseur quand il évoluait à Strasbourg. Il était très important pour nous sur ce plan l’an passé.

Peut-on dire que cela est dû à la qualité de la formation française ?

Non, je ne pense pas qu’on puisse parler de formation française. Ce serait plus les principes de la formation européenne, éventuellement. Je ne pense pas qu’on puisse se permettre de se démarquer des autres à ce point. C’est déjà bien de figurer dans le peloton de tête européen. Et on l’est. Mais pas forcément pour cette raison-là. La première, c’est que nous possédons un réservoir de joueurs de très grande qualité. Bien plus que les autres nations européennes.

La formation européenne, l’apprentissage tel qu’on le pratique, permet aux joueurs de disposer d’un certain nombre de compétences dans leur bagage que n’ont pas forcément les jeunes universitaires américains. A l’inverse, pour les jeunes européens, le plus dur est de cultiver l’agressivité nécessaire pour exister en NBA. Et ça, c’est plus développé dans le basket universitaire aux Etats-Unis.

Les joueurs européens sont réputés plus solides sur certains fondamentaux…

Il faut être prudent là-dessus. Pour les fondamentaux de base – le tir, la passe, le dribble – les américains sont de véritables phénomènes. Donc, dans ce domaine-là, c’est assez équivalent.

Je voulais parler du placement, et des fondamentaux concernant le jeu collectif…

Concernant les fondamentaux collectifs, tout ce qui concerne le spacing et le timing, il est vrai que le jeu à l’européenne favorise ce développement chez les jeunes. Et Frank s’entraînait avec des joueurs professionnels ces trois dernières années. Depuis qu’il a 15 ans et demi, 16 ans, il évolue avec des pros. L’an dernier, il faisait partie intégrante de l’effectif. Et déjà, il y a deux ans, il s’entraînait régulièrement avec nous. C’est vrai que cela aide d’être confronté à des joueurs qui ont plus de maturité, car on passe beaucoup de temps à travailler sur l’espace (le «spacing», ndlr).

Les médias new-yorkais adorent Frank Ntilikina. Mais certains lui reprochent son manque d’agressivité offensive, comme Walt Frazier qui commente les matches des Knicks…

Très grand joueur, Walt «Clyde» Frazier. Champion en 1970 et 1973 avec les Knicks. Un très grand défenseur aussi.

Quand on entend Walt Frazier, on sent qu’il est fan de Frank Ntilikina, mais il pointe régulièrement le fait qu’il n’est pas toujours assez agressif avec le ballon, notamment en pénétration, et dans sa prise de risques au tir…

Ce n’est pas étonnant. Moi-même, je le poussais dans cette direction-là. On ne manquait pas de le lui dire. Et il a progressé dans ce sens. Il est grand, long, mais il manque d’explosivité. Cela le dessert un peu en NBA. Mais il est jeune. J’ai toujours pensé qu’il était un tardif dans son développement physiologique. Donc il va continuer à s’améliorer dans ce domaine-là. Avec le travail, il va gagner en puissance, et cela lui permettra d’être un peu plus percutant. Mais il en manquait déjà chez nous. C’est pour cela qu’il n’était pas très dominant la saison dernière. Car il avait du mal à faire la différence dans les rapports en un-contre-un.

Mais Frank, c’est un autre style de joueur. Ses points forts sont l’intelligence de jeu, le sens du placement, la défense collective. Et en défense, il est vraiment bon car il possède des mensurations adéquates. Il est long, avec des grands bras. Il est plutôt grand pour un meneur de jeu. Défensivement, c’est une sangsue.

On a pu voir son potentiel défensif, notamment face à James Harden lors d’une rencontre face aux Rockets. Lui qui a l’habitude de se jouer des défenseurs avait du mal à se défaire de la pression de Frank…

Oui, il a un bon jeu de jambes. Il n’a pas l’explosivité ou la puissance pour faire la différence sur les démarrages. Mais il est équilibré, il bouge bien ses jambes, il est souvent bien placé sur ses appuis défensifs. Et comme il est long, il est très perturbant. On l’a vu, nous, l’an dernier lors des phases finales. Il a complètement annihilé Casper Ware, il a beaucoup gêné John Roberson en finale. En quart de finale, il avait aussi sérieusement limité D.J. Cooper. Ce ne sont pas des joueurs NBA, mais ils font partie des plus dominants en Pro A. Frank est très sérieux, très appliqué. C’est dans ses gènes. Il met beaucoup d’application dans ce qu’il fait, et il est capable de se concentrer sur la mission défensive sur la durée, là où beaucoup d’autres joueurs vont défendre par séquence, et finissent par se relâcher. Lui est capable d’être constant dans l’effort défensif.

Jeff Hornacek, son coach, a également souligné sa capacité à bien conduire le jeu et appliquer les systèmes quand il est sur le terrain malgré son jeune âge.

Ça, j’en suis certain. Cette faculté fait partie de ses qualités. Et le jeu européen aide aussi à cela. Tous les matches sont importants chez nous. Ce qui n’est pas tout à fait le cas en NBA. Cela oblige à une concentration quasi-permanente. Et ça, ce sont des choses qu’il a apportés avec lui à New York. Après, ils jouent tous les deux jours. Ce n’est pas la même intensité à chaque match. Chez nous, la saison régulière fait 34 matches, là-bas, c’est 82.

Frank ne semble pas toujours à l’aise avec son dribble. Est-ce une question d’adaptation par rapport à la rapidité du jeu NBA, ou autre chose ?

Comme je le disais tout à l’heure, c’est un joueur de grande taille. Donc cela demande un ajustement. Chez nous non plus, il n’était pas exceptionnel au dribble. Il est correct, sans plus. Ce n’est pas ce qui le démarque des autres. Nous ce qu’on a vu dans les compétitions de jeunes, ce sont ses qualités en termes de maturité, d’intelligence de jeu, où il était très au-dessus de la moyenne. Ça, on le sait depuis un moment. Mais son dribble n’avait rien de spécialement remarquable, donc on peut comprendre qu’il soit un peu plus en difficulté au niveau supérieur.

Qu’il s’agisse du dribble ou du manque d’explosivité, ce sont des compétences qu’il sera possible d’améliorer par la répétition, et par l’entraînement…

Oui, le dribble, c’est certain. Des trois fondamentaux – dribble, tir, passe – c’est de loin celui qu’il est possible d’améliorer par le travail. Pour le tir, c’est plus difficile car il faut une perception fine. Pour la passe, travailler ne suffit pas car cela demande de l’intelligence de jeu. C’est la compréhension des espaces et des timings. La passe, même si vous savez la faire techniquement, il faut qu’elle soit faite au bon moment. Il y a beaucoup de critères à prendre en compte.

Sa marge de progressions sur ces «points faibles» est donc plutôt encourageante…

Oui, et puis de toute façon, il a 19 ans. Ses débuts sont intéressants, et ce qui est bien, c’est qu’il a du temps de jeu. Ce qui n’est pas toujours évident. Il y a plein de nos joueurs qui ont été draftés et qui ne sont jamais entrés sur le terrain. Et au bout de trois ans, ils reviennent.

La crainte de jouer à New York, c’est aussi la réaction du public et des médias locaux, qui peuvent se montrer impatients, et impitoyables, avec certains joueurs. Mais pour le moment, Frank Ntilikina a l’air d’être très apprécié. Surtout depuis qu’il s’est frotté à LeBron James lors d’un match à domicile face à Cleveland…

C’est bien en effet. C’est important d’avoir une bonne image et d’être soutenu.

Le retrouvera-t-on à l'avenir au sein de l’équipe de France ?

Non. Dans les deux années qui viennent, nous avons des fenêtres internationales pendant que la NBA joue. Donc, c’est impossible. Par la suite, bien entendu. Si l’équipe de France se qualifie pour la Coupe du Monde, il sera forcément un des candidats à cette sélection.

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