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Jacques Rougerie : « Le SeaOrbiter est une sentinelle »

Le SeaOrbiter[Capture d'écran Youtube]

Cet architecte visionnaire, membre de l’Académie des beaux-arts, vulgarise les connaissances du monde marin depuis plus de trente ans. Compagnon de route du commandant Cousteau et de l’océanographe Jacques Piccard, c’est en héritier de ces aventuriers qu’il a élaboré le projet "SeaOrbiter", sorti tout droit des rêves de Jules Verne.

 

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Accomplissement de trente ans de recherche, le vaisseau SeaOrbiter, "habité, dérivant et robotisé", est un bâtiment d’exploration océanique, à portée scientifique et pédagogique. Les premiers essais sont prévus en octobre 2013 et sa première mission océanographique, programmée pour 2014, se déroulera en mer Méditerranée pour une durée de quatre à six mois.

 

Quelle est la genèse du projet SeaOrbiter ?

Jacques Rougerie : Je me considère avant tout comme un homme du monde sous-marin, je me sens bien sous la mer. C’est un champ immense de liberté et de rêve. La philosophie du projet découle d’un constat très actuel qui ne vient pas uniquement de moi : notre civilisation est à l’aube de créer un nouveau rapport entre l’homme et l’océan. A travers les siècles, la mer a fasciné, intrigué, effrayé. Elle a permis aux hommes d’aller d’un continent à un autre, de créer des échanges commerciaux, de guerroyer… et bien sûr de se nourrir.

Le nouveau rapport qui se met aujourd’hui en place avec le monde marin revêt un aspect plus sensoriel. La mer est devenue un haut lieu de plaisir, elle fascine de plus en plus par son côté poétique. Les jeunes générations sont également beaucoup plus à l’écoute des problématiques d’environnement, un terme qui ne parlait pas il y a vingt ou trente ans. Il ne s’agit pas là d’une mode. La connaissance et l’exploitation raisonnée des océans sont une nécessité liée à la gestion durable de la planète et de ses ressources. Il y a urgence ! La mer représente un atout formidable pour notre civilisation. De nombreuses vocations vont naître de cette prise de conscience. Notre fondation* à l’Institut de France porte tous ces projets qui doivent aider les jeunes à bâtir leur futur.

 

 

Quels changements fondamentaux ce nouveau rapport engendrera-t-il ?

J. R. : Il pourra développer avant tout une nouvelle économie pour répondre aux besoins de gestion responsable de la Terre, notamment dans le domaine des énergies renouvelables marines. On peut citer l’énergie thermique des mers et les capteurs de houle. Les hydroliennes ou le biocarburant conçu à partir du phytoplancton sont aussi des énergies renouvelables de demain.

L’océan porte aussi en lui la nourriture du futur… Une ressource qu’il faudra prendre soin de préserver. Car il faut déjà prendre conscience d’un danger : celui d’exploiter la mer comme on l’a fait pour la Terre. Des règles et des lois internationales s’imposent. On se prépare notamment à les mettre en place en France grâce au Grenelle de la mer. Il y a là une belle opportunité, il ne faut pas la gâcher.

 

 

Et SeaOrbiter vient répondre à ces nouvelles problématiques…

J. R. : SeaOrbiter est une sentinelle. Son programme est connu pour que les gens prennent conscience du rôle capital des océans dans le système planétaire. La mer est tellement immense ! Les Terriens n’ont aucune notion de ce que représente l’univers subaquatique et de ses richesses encore inexplorées.

SeaOrbiter est une plate-forme de communication et de sensibilisation ouverte à la recherche scientifique. Il constitue une base sous-marine d’observation, pour étudier l’évolution des écosystèmes, les relations océan-atmosphère et leur implication sur le climat terrestre. SeaOrbiter testera aussi des technologies innovantes liées à l’utilisation des énergies renouvelables. De ce travail naîtra la vocation ultime du projet : devenir une plate-forme éducative et planétaire via ses programmes de communication interactifs.

 

 

Vous avez imaginé une civilisation sous-marine, celle des "mériens".Vivra-t-on un jour sous la mer ?

J. R. : Vous non, moi oui ! L’humanité n’est pas appelée à vivre sous la mer. Mais la civilisation des "mériens" est faite d’hommes et de femmes prêts à y vivre momentanément pour des activités spécifiques : recherches scientifiques, artistiques, aquaculture, archéologie sous-marine… L’esprit du mérien n’est pas le même que celui qui anime un marin. Un mérien se sent bien sous l’eau. Ce n’est pas la même approche des sens, ce n’est pas la même philosophie.

Des scientifiques travaillent déjà ainsi, et il y en aura de plus en plus. Ce déploiement d’activités va créer des communautés, des modes de vie différents. Ce n’est pas une utopie. Cela s’inscrit dans le besoin de conquête du genre humain et participe à l’évolution de ses sociétés. Car c’est de l’océan que naîtra le destin des civilisations à venir.

 

*Fondation Jacques Rougerie – Génération Espace mer – Institut de France : www.fondationjacquesrougerie.fr et www.seaorbiter.com

 

(ARCHIVE)

 

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