Depuis quelques jours, la sculpture la plus célèbre de Wall Street est nez à nez avec une fillette en bronze de 130 cm de haut qui soutient son regard toute la journée, sans broncher.
Plus que le taureau, somme toute aussi silencieux qu’une statue qui se respecte, c’est son créateur qui trépigne. Arturo Di Modica accuse la ville de New York d’avoir violé ses droits en autorisant l’installation de la «Fearless Girl» (La fille intrépide) en face de son animal. Cette nouvelle statue, à l'oeil aussi assuré qu'un toréador téméraire, semble défier l'animal représentatif de Wall Street.
Dénaturalisation de l'oeuvre
Son argument est tout à fait recevable : l’artiste explique que l’emplacement de l’œuvre concurrente change la dynamique créative de son taureau. Et pour cause, il devient presque risible de constater l’impuissance de la bête, pourtant en position nerveuse, face à un visage si innocent. Di Modica, qui n’apprécie sans doute guère que la fillette lui vole la vedette, a donc décidé de prendre le taureau par les cornes.
Il doit tenir une conférence de presse, prévue ce mercredi, pour défier les autorités de la ville, lesquelles ont annoncé qu’elles prolongeaient le permis de la nouvelle statue jusqu’en février 2018 après qu’une pétition a rassemblé en sa faveur des dizaines de milliers de signatures. Le procureur Norman Siegel a précisé que Di Modica exigerait également que la ville produise des documents pour montrer les procédures qui ont été suivies.
Un tel attachement à la procédure semble un peu tatillon de la part de l’artiste. En 1987, après un crash boursier, c’est sans autorisation (et au beau milieu de la nuit) que Di Modica était venu poser son taureau en bronze devant le New York Stock Exchange, en symbole de la résilience financière américaine.
La ville de New York avait accepté l’œuvre sous la pression de la clameur publique, et autorisé le taureau à rester dans le quartier financier, un peu plus loin du New York Stock Exchange, toutefois. Avec une situation finalement assez semblable à celle, aujourd’hui, de la Fille intrépide, on pourrait s’attendre à ce que Di Modica soit un peu plus indulgent.
La Fearless Girl, nouvelle star de Wall Street
La fille intrépide est une œuvre de l’artiste Kristen Visbal. Elle a été placée sur un l’îlot de circulation pour faire face au taureau le 7 mars dernier, à la veille de la journée internationale des droits des femmes. Le regard sûr et les mains sur les hanches, elle surplombe un écriteau éloquent : «Know the power of women in leadership. SHE makes a difference» (Soyez conscients du pouvoir des femmes parmi les leaders. ELLE fait une différence).
L’œuvre dénonce le manque de femmes dans les plus grandes entreprises américaines, parmi les salariés comme au conseil d’administration. La fille intrépide est rapidement devenue une attraction touristique, attirant l’attention des réseaux sociaux à travers les photos des badauds. Il faut dire que, si des milliers de touristes ont déjà caressé les testicules du taureau (un geste qui porterait chance selon la légende), personne n’avait encore réussi à le castrer à ce point.