En direct
A suivre

La semaine de Philippe Labro : le bestial Weinstein, Camus l’humaniste

Harvey Weinstein, le roi des porcs d’Hollywood.

Philippe Labro est écrivain, cinéaste et journaliste. Chaque vendredi, pour CNEWS Matin, il commente ce qu'il a vu, vécu et observé pendant la semaine. Un bloc-notes subjectif et libre.

DIMANCHE 22 OCTOBRE

Harvey Weinstein, le roi des porcs d’Hollywood. Le scandale, dont il est l’acteur, a provoqué une déferlante de témoignages de femmes, non seulement celles qui furent ses victimes dans le monde du cinéma, mais également toutes celles, qui, dans tous les milieux – dans tous les moments d’une vie – ont connu, à un degré plus au moins violent, cette humiliation, cette honte, le harcèlement des hommes. Dans la rue, au bureau, dans des lieux publics, en famille, au bistrot, dans un ascenseur, dans un magasin – partout ! –, elles sont innombrables, aujourd’hui, à dire : «Eh bien, oui, moi aussi. A moi aussi, c’est arrivé. Moi aussi, j’ai connu ça.»

Une telle libération de la parole est particulièrement puissante aujourd’hui. Pourquoi ? Parce que ce Weinstein – dont le grand public français ne connaissait pas l’existence, il y a encore un mois – fait exploser le barrage du non-dit, l’omerta, l’hypocrisie, le pouvoir masculin complice et complaisant. Il y avait déjà eu, aux Etats-Unis, comme en France et ailleurs, des mini­scandales, des protestations, des interpellations et des condamnations, mais rien de comparable à tout ce qui se dit, s’imprime, se twitte, se passe depuis que l’ogre d’Hollywood a été démasqué. Depuis le 5 octobre, jour de la publication de l’enquête du New York Times, une sensation quasi universelle de soulagement est passée à travers les médias, au sein des démocraties.

Enfin, on parle. Enfin, les femmes parlent. Alors, si certains craignent ce que l’on appelle parfois un «délathon», si d’autres soulignent (à raison) que le «jeu de la séduction», avec consentement, ne disparaîtra jamais de la vie en société, de la relation entre les femmes et les hommes, si de toute cette tempête peut naître un comportement plus digne, plus honnête, plus respectueux, alors le Barbe Bleue du cinéma aura, à sa manière, rendu un grand service à nos contemporaines et nos contemporains. La culture de domination-soumission peut-elle, grâce à cette affaire, enfin disparaître ? «Vous ne changerez jamais la nature de certains hommes», répondent les pessimistes. Les optimistes, eux, disent : «Peut-être, mais

il faut penser aux enfants, aux jeunes, aux générations qui arrivent. Elles auront été témoins de ce grand moment de transparence, elles parviendront, à partir de ces exemples et ces expériences, à un rapport meilleur et plus serein entre femmes et hommes.» Je vous signale, parue mercredi 25, dans les pages de notre confrère Le Parisien, une parodie du célèbre poème de Kipling (Tu seras un homme, mon fils) revu et corrigé par le brillant dessinateur Philippe Geluck :

«Si tu siffles les filles,

Si tu as la main baladeuse,

Si tu utilises la force pour posséder,

Si tu comprends oui quand on te dit non,

Alors, tu ne seras pas un homme,

Mon fils, juste un sale con.»

VENDREDI 27 OCTOBRE

Les vacances scolaires ont commencé. C’est le temps de la lecture, pas seulement pour les enfants (il est recommandé de les faire lire plutôt que de les coller face à un écran), mais pour les adultes. Parmi toutes les publications reçues récemment, j’ai retenu, en Folio, un volume de 34 textes (conférences et discours) d’Albert Camus. Nobel de littérature en 1957, Camus, lors de la réception de son prix à Stockholm, disait ceci : «Cha­que génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde ne se défasse.» C’était il y a soixante ans. Cette phrase ultime n’a pas pris une ride.

À suivre aussi

Ailleurs sur le web

Dernières actualités